Le Clan de mercenaires de Nedora Riem (DOFUS - Orukam)
 
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 Le Destin d'Ombreuse

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MessageSujet: Le Destin d'Ombreuse   Le Destin d'Ombreuse EmptyLun 21 Avr 2008 - 14:59

Prologue


- Qui est Ombreuse ?
- Tu le sais. Tu le sens. Tu le vis.
- Je veux t'entendre le dire.
- Ombreuse est tout, Shania.
- Scorpio.
- Comme tu voudra. Ombreuse est tout et rien à la fois. Elle est celle qui vibre à travers chaque chose.
- Qui l'anime ?
- Non. Elle n'a rien à voir avec la vie ou une quelconque force... Elle n'est comparable qu'à... l'existence.
- Pourtant elle n'existe pas.
- Si. Et non. Elle n'existe pas dans le monde Matériel. Elle n'existe pas non plus dans l'Ethéré ou l'Astral. Elle pulse. Elle pulse et c'est tout ce qu'elle est. Une pulsation d'infini, se jouant des Dofus ou de l'Horloge de Xélor. Elle va au-delà du Zénith et vient de bien plus loin et bien plus profond que le Nadir.
- Ce n'est pas possible.
- Non, ce n'est pas possible. C'est Ombreuse.
- D'où vient-elle ?
- Nul ne sait. Certains pensent qu'elle est issue de Sram. Je ne le crois pas. Elle vient de toi.
- De moi ?
- De toi et de tout être, de toute chose de ce monde et des autres. Elle est intemporelle. Sans doute était-elle là avant les Dieux, et elle perdurera bien après l'effondrement de l'Elysium. Peut-être même est-elle à l'origine du monde.
- Comment peux-tu dire cela sans la moindre certitude ?
- Je ne le sais pas. Je le sens. Ombreuse bat dans mon cœur comme il bat dans le tien.
- Ces mots ne sonnent pas juste à mes oreilles.
- Alors vas-y. Dis-moi Ombreuse. Chante-la moi.
- Ombreuse est l'équilibre instable. La glace brûlante. L'ombre éclairée. Elle est une larme qui roule sur la joue du monde, qui s'étale, qui finit par l'englober tout à fait. Elle est née de ses maux, de ses souffrances et de sa torpeur. Elle est née de ce qu'il y a de plus sombre dans le cœur des hommes. Elle est la chimère qui hante les âmes les plus tourmentées _les nôtres peut-être. Elle n'a ni corps, ni conscience mais elle a un cœur et une âme. Elle vit mais n'est pas vivante. Elle vibre. Elle pulse. Elle hante. Elle aliène. Elle entrave juste nos êtres pour les pousser aux confins de nos esprits. Au bout de nos limites. Au bord du gouffre. Et au-delà.
- Tu as déjà effleuré ses songes n'est-ce pas ?
- Elle ne rêve pas. Elle pleure.
Tome I
La Quête d'Ombreuse

Tome II
Le Rêve d'Ombreuse

Tome III
Les Larmes d'Ombreuse


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MessageSujet: Re: Le Destin d'Ombreuse   Le Destin d'Ombreuse EmptySam 3 Mai 2008 - 18:29

Tome 1 - Prologue



La lune était pleine et éclairait les champs de sa lueur blafarde. Un groupe de roses démoniaques émettait un léger bruissement en agitant ses pétales humides. Sur le sol boueux, à quelques mètres de là, une jeune disciple d'Osamodas était étendue, les yeux grands ouverts sous la pluie. Loin, très loin au-dessus d'elle se trouvait peut-être son Dieu. S'il savait combien elle le méprisait. Elle n'avait jamais voulu lui prêter allégeance. Ses parents l'avait fait pour elle. C'était bien la seule chose qu'ils aient faite pour elle. Pourtant, serrée contre son cœur, elle gardait toujours l'unique chose qu'il lui restait d'eux: un morceau d'étoffe déchirée. Ils étaient morts alors qu'elle était toute jeune. Elle n'avait jamais sû comment. Elle ne voulait pas le savoir. Peu importait si c'était ou non leur faute. Ils l'avaient abandonnée. Elle ne pourrait jamais leur pardonner. Ni à eux, ni aux crétins qui avaient voulu l'éduquer. Comme un vulgaire animal. C'en était assez de ce monde, de ce qu'il représentait pour elle.
Elle caressa longuement le tranchant de sa lame, entaillant ses doigts d'une série de traits qui couraient jusque dans sa paume en autant d'arabesques torturées. Lentement, elle porta sa main ensanglantée à ses lèvres. Elle demeura plusieurs minutes ainsi, laissant son sang s'écouler lentement de ses veines pour s'engouffrer dans sa gorge. Il lui paraissait brûlant. Elle s'en délectait. Il avait le goût... de la mort. Un léger ricanement s'échappa de sa bouche. Aussitôt une rose s'agita auprès d'elle. Un revers de lame et elle ne bougea plus. D'un geste fluide, l'Osamodas rangea la lame dans son fourreau. Presque. D'un geste presque cérémonieux, elle mena la lame juste devant ses yeux. Non. Pas ses yeux. Ceux de son reflet. Elle l'observa comme si elle le voyait pour la première fois. Des traits fins encadrés de cheveux d'un noir de jais. Un nez légèrement retroussé qui, associé à son regard pétillant, lui donnait un air mutin. Et au centre, juste là, deux émeraudes envoûtantes, porteuses d'une promesse de mort. Les lèvres de l'Osamodas s'étirèrent en un large sourire. Shania. Tel était son nom. A sa connaissance, il avait deux significations. A la grâce de Dieu. Je suis sur la route. Sans la moindre hésitation, elle avait décidé de ne retenir que la seconde. Elle guidait elle-même ses pas, elle était maître de son destin et nul ne saurait jamais l'influencer. Et elle sentait que son destin, justement, était de se séparer de son Dieu. Sauf qu'à sa connaissance, aucun moyen n'existait pour répudier celui aux pieds duquel l'on s'était prosterné. Il fallait que ça cesse. Qu'elle parte, oublie. Quitte à s'aliéner. Une larme roula sur sa joue. La première. Lorsqu'elle finit par laisser échapper un sanglot, elle ferma les yeux. Très fort.
Seul le murmure du vent dans les blés déchirait par instant la nuit, et le voile dans son âme.


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MessageSujet: Re: Le Destin d'Ombreuse   Le Destin d'Ombreuse EmptyJeu 14 Aoû 2008 - 14:15

Tome I

Partie I - Rencontres

Chapitre I





Loin au-dessus des douves bouillonnantes de Brâkmar, deux longues jambes habillées de cuir noir se balançaient nonchalamment. Les yeux perdus sur l'horizon dévasté de Gisgoul, Shania humait l'air frais du soir. Le vent qui courait sur sa peau comme mille doigts invisibles lui donnait une folle envie d'errance. Courir sur les toits, légère, aérienne. Se glisser dans les ruelles obscure de la cité noire et attendre son heure. Disparaître dans les entrailles de la ville.
Elle allait basculer sa tête en arrière lorsque, enfin, ce qu'elle attendait se produisit. Loin, là-bas, au pied de la tour du Gisgoul, une frêle silhouette se glissait parmi les rares vestige du village. Le sang de Shania ne fit qu'un tour. Enfin. Il était temps pour elle d'aller voir d'un peu plus près ce qu'il se passait. Elle se redressa d'un bond.

- Hey, vous là ! Qu'est-ce que vous fichez ici !?

La voix du garde, éraillée, pleine de menaces, s'élevait quelques mètres en contrebas. Shania ne se retourna même pas. Elle sourit à la nuit et fit un pas en avant. Chute. Sous ses pieds, la lave se rapprochait à une vitesse hallucinante. A l'ultime instant, ses doigts crochetèrent une infime prise sur les créneaux. Elle se balança un instant au-dessus du vide, puis ses doigts glissèrent et la gravité l'attira irrésistiblement vers le sol. Presque. Sa queue, glissée dans un fin interstice de la muraille, la retenait à quelques mètres à peine au-dessus des douves. Un coup de talon, dans lequel elle concentra chaque parcelle d'énergie à sa disposition. Un bond prodigieux, où son corps s'arqua en une harmonieuse courbe. Un bruit sourd. Suivi de pas feutrés. Brâkmar dans son dos, Shania évoluait avec l'agilité d'un chacha. Droit vers Gisgoul. L'action n'avait duré qu'une poignée de secondes.

Blottie contre la pierre froide de la tour maudite, Shania dévisageait une imposante statue à l'effigie de Rushu. Il lui inspirait un mélange de crainte et d'admiration. Même taillé grossièrement dans la pierre, son aura était palpable. Presque fascinante. Shania s'avança lentement vers le visage du seigneur démon. Elle approcha sa main. La froideur de la pierre la fit un instant tressaillir, puis, peu à peu, l'apaisa. Elle fit courir ses doigts sur sa surface, presque cérémonieusement, sans quitter des yeux l'incroyable sphère qu'il tenait serrée dans la main. Qu'est-ce que cela pouvait bien être ? L'œuf d'un démon ? Un talisman ? Un... monde ? Shania ne savait pas grand-chose des dieux et démons qui contrôlaient son univers, mais quelque chose lui disait qu'elle, simple mortelle, avait, comme tout être doué d'intelligence, une influence non négligeable sur eux et donc, par extension, sur le monde tout entier. Restait à savoir comment. Et dans quelle mesure. Elle n'était qu'une gamine âgée de quatorze ans à peine. Misanthrope et pessimiste jusqu'au bout des ongles. Elle ne se sentait pas à sa place dans ce monde où tout était si... réel. Désespérément réel. Aucune place pour le rêve. Juste le sang et la mort. C'était certainement la seule délivrance. On lui avait apprit qu'on naissait les mains crispées et que l'on mourait détendu, parce que libéré de l'existence misérable que nous avons dû combattre durant des années. A quoi servait de vivre alors ? Pourquoi continuer ? Peut-être, pensa-t-elle, faut-il en profiter tant que l'on a l'illusion que cela mène quelque part. Un éclair sur sa droite l'arracha à ses réflexions. Elle se figea aussitôt. Lentement, très lentement, elle tourna la tête et scruta le paysage environnant. Peut-être n'était-ce qu'un simple bwork. Mais, en ce cas, pourquoi ne pas l'avoir attaquée directement ? Et pourquoi se cacher ? Était-il suffisamment intelligent pour cela. Une intuition la poussa à se retourner d'un bloc. Son cœur fit un bond dans sa poitrine. A quelques centimètres de son visage à peine se tenait une jeune fille qui ne devait pas être bien plus âgée qu'elle. Brune, les yeux d'un noir abyssal. Son visage ne laissait paraître aucune émotion. Et même s'il avait hurlé tous les sentiments du monde, Shania n'en aurait rien vu. Elle s'abîmait dans la contemplation de ces deux pupilles sombres. Comme un cosmos sans étoile. Un fin sourire élargi les lèvres de la jeune fille. Elle effleura le visage de Shania de deux doigts glacés dont le contact fit frissonner la jeune disciple d'Osamodas. "On se reverra bientôt". Shania ouvrit la bouche pour répondre mais aucun son ne voulu sortir de sa gorge. Elle cligna des yeux. La fille n'était plus là. N'avait-elle été qu'un mirage ? Sa voix, sans qu'elle puisse la contrôler, interrogea la nuit pour elle. "Qui ? Qui êtes-vous ?" Seul le bruit du vent dans les branches des rares arbres de Sidimote lui répondit. Shania glissa à genoux au pied de la statue de Rushu. Elle essaya de rassembler ses esprits. Sans-doute était-ce une hallucination. Elle avait passé trop de nuits à se jouer avec les ombres et à dialoguer avec le vent. Cela avait du finir par lui monter à la tête. Elle se releva, épousseta ses genoux et fit glisser sa longue queue noire entre ses doigts. Le seul cadeau d'Osamodas qui lui rendait vraiment service. Elle s'en servit comme d'un fouet pour battre l'air devant elle. Un regard vers la cité noire qui l'appelait. Il était temps de reprendre la route. Elle réfléchirait à tout cela plus tard. Elle fit quelques part puis, à tout hasard, renouvela son appel dans l'obscurité. "Qui êtes vous ?" Sans savoir pourquoi, elle se détendit face au silence qui s'ensuivit. "Lisys", répondit alors la nuit. Elle tressaillit.


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MessageSujet: Re: Le Destin d'Ombreuse   Le Destin d'Ombreuse EmptyJeu 14 Aoû 2008 - 20:21

Tome I - Partie I - Chapitre II




Trois mois. Trois longs mois passés sur la muraille nord de Brâkmar, plaquée contre la pierre dans le fol espoir de finir par ne faire qu'un avec elle. Trois longs mois d'investigations nocturnes dans les ruines de Gisgoul, en quête de la moindre trace de cette Lisys. Trois longs mois à se demander si c'était rêve ou réalité. Sans succès. Malgré toutes ces nuits de surveillance et d'enquête pour parvenir à la conclusion que... Pour ne parvenir à aucune conclusion. Shania avait finalement fini par se convaincre qu'il ne s'agissait que d'un délire. Cela lui apprendrait à laisser divaguer son esprit. Mais ces mois d'errance intensive avaient au moins eu le mérite de lui apprendre quelque chose: les ruelles de la cité noire étaient presque plus dangereuses de jour que de nuit, tant les assassins et les voleurs se sentaient à leur aise dans la ville. Cela allait parfaitement à Shania, qui n'aspirait qu'à suivre la vie facile qu'offrait leur voie. D'ailleurs, ce n'était qu'une question de minutes avant que le jeune disciple d'Ecaflip qui habitat en contrebas de la muraille ne sorte de chez lui pour sa tournée quotidienne à la taverne. Un peu plus tôt dans la journée, Shania l'avait vu rentrer chez lui le sourire aux lèvres. Dans la petite bourse qu'il portait autour du cou, il y avait, disait-on, un objet inestimable, récupéré en dépouillant un monstre. La disciple d'Osamodas n'avait pas la moindre idée de ce dont il s'agissait, mais ce qui était certain, c'est que, cette bourse en poche, elle pourrait mener la belle vie pendant un bout de temps. C'était tout ce qui importait. Grincement de porte. Le moment de passer à l'action était venu. Shania se laissa glisser le long des remparts. Ses pieds touchèrent le sol sans bruit, et aussitôt elle se faufila derrière un haut batîment. Rasant les murs, elle parvint au niveau de l'Ecaflip. Celui-ci s'engagea dans une ruelle perpendiculaire. Il y avait une impasse tout prêt. Si elle parvenait à le coincer à ce niveau, il n'avait aucune chance. Et, justement, il passait devant. Shania s'apprêtait à le héler lorsqu'elle aperçu une vague silhouette dans l'impasse. Shania plissa les yeux. C'était une jeune fille à la longue chevelure rousse dont les bras étaient bardés de cicatrices. Ses oreilles pointues et ses yeux sans pupille trahissaient son allégeance à la déesse Sacrieur. Elle s'approchait discrètement de l'Ecaflip. Mais qu'est-ce qu'elle pouvait bien faire là ? Shania fit un pas en avant... heurta quelque chose de dur. Les oreilles du disciple d'Ecaflip se couchèrent sur sa tête. Shania eut tout juste le temps de se jeter en arrière avant que celui-ci ne se retourne. L'Osamodas attendit que sa respiration se calme puis, comme personne ne semblait venir, elle risqua un coup d'œil par-dessus le pan de roche qui l'avait dissimulée. L'Ecafip était immobile, au milieu de la rue. Sous sa gorge brillait le fil d'une courte lame. La disciple de Sacrieur se tenait dans son dos, les lèvres étirées en un large sourire. Elle fit courir ses doigts sur le cou de l'Ecaflip. Si elle n'avait pas de griffes, ses ongles n'en étaient pas moins efficaces. Une goutte de sang perla sur la fourrure éclatante, que la jeune fille lécha lentement. Elle ouvrit la bouche. "Alors, mon mignon, a ce qu'on dit, t'as une fortune autour de ton cou ? A ta place, je m'en serrais déjà servie, histoire de m'acheter quelque chose de décent, à mettre. J'voudrais pas te vexer, chou, mais honnêtement, tu fais pitié..." L'Ecaflip déglutit. Shania aussi. Même si son apparence pouvait aux premiers abords laisser croire le contraire, sa voix de laissait quant à elle aucun doute. Cette Sacrieuse était... une enfant. Elle devait tout juste avoir l'âge de Shania, et quatorze années sur cette terre avait vraisemblablement suffit à faire d'elle une arme mortelle. Sa voix avait beau trahir sa jeunesse, elle ne manquait pas pour autant d'assurance lorsqu'elle énonça: "Alors comme ça on vénère Ecaflip ? Tss, on devrait te présenter Lilith. Bref, on est pas la pour discuter. Mais tu l'avais remarqué non ? Ou alors t'es vraiment crétin... J'ai une proposition à te faire. En général ce genre de truc ça plaît ben aux gens de ta race. Enfin, y'a des exceptions bien sûr, comme pour tout... Ah, je parle, je parle, je suis trop bavarde, venons-en aux faits !" La voix, jusqu'alors empreinte de légèreté, prit une froideur qui glaça le sang à Shania. "Voici ce que je te propose. Premio, tu me files ce que tu as autour du cou. Deuxio, on va jouer à un petit jeu toi et moi...". D'un geste vif, elle arracha la bourse qui pendait au cou du jeune homme. Puis, elle se plaça face à lui, non sans tracer une longue ligne rouge sur son cou. Elle plaça le poignard juste au niveau du cœur de l'Ecaflip et lui adressa un large sourire. "On va jouer ta vie aux dés. Ça devrait te plaire non ?" Elle sortit de sa poche un petit dé blanc qu'elle plaça avec douceur dans la main de l'Ecaflip. "Si tu fais quatre ou plus, je te laisse partir. Si tu fais moins..." Elle exerça une légère pression sur la lame. Le jeune homme lâcha aussitôt le dé. La fille y jeta un bref coup d'œil, puis sourit de plus belle. "Cinq, félicitations. Je te laisse partir... mais je n'ai pas précisé de quelle manière." Elle enfonça le poignard. Jusqu'à la garde. "Oh, chéri, comme c'est dommage..." Le jeune homme s'affaissa avec un bruit sourd. Shania laissa un cri échapper de sa gorge. Elle mit immédiatement une main devant sa bouche, mais il était trop tard. La jeune fille rousse s'était déjà retournée. Et, même si elle n'avait pas de pupille, Shania était persuadée qu'elle la fixait. Droit dans les yeux. Son sourire s'élargit encore. Elle se redressa, repoussa la tête de l'Ecaflip d'un coup de pied et passa une main dans sa longue chevelure, sans quitter Shania des yeux. Elle murmura, comme pour elle-même. "Les filles, Tanah a quelque chose pour vous..." Puis elle fit demi-tour, s'engagea dans une ruelle et y disparut. Sans un regard en arrière. Aux pieds du cadavre laissé dans l'impasse, la petite bourse si convoitée gisait toujours.
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MessageSujet: Re: Le Destin d'Ombreuse   Le Destin d'Ombreuse EmptyLun 18 Aoû 2008 - 18:59

Tome I - Partie I - Chapitre III




"Je n'ai pas osé toucher à la bourse. Rien que l'idée qu'elle avait pu être à l'origine de tout ce mal me donnait des frissons... Je ne sais plus trop ce que j'ai fait ensuite... Je suis rentrée dans ma cave." Le vieux disciple de Xelor écoutait Shania avec attention. Il ne comprennait rien à ce qu'elle lui racontait, mais cela avait l'air de soulager la petite. Afin de faire mine de s'intéresser à ses dires, il capta son regard et la questionna:
- Ta cave ?
- Oui, le sous-sol d'un entrepôt désaffecté dans le quartier des enclos, c'est là que je loge.
- Bon, et alors ?
- Je m'attendais à ce qu'il ne se passe plus rien de notoire des mois, peut-être des années durant. Mais y'avait cette lettre, épinglée au mur par un poignard.
- Pourquoi t'adresser à moi, petite ?
- Je n'en sais rien, Zyanthil, vous avez l'air d'être quelqu'un de sage...
Le mage du temps émit un petit rire. "Sage, moi ? Bon, fais-moi voir ça". Shania lui tendit le fin parchemin soigneusement plié qu'elle tenait à la main. Il le lissa avec la paume de la main et lu les fins caractères qui y étaient calligraphés avec beaucoup d'application. "Je t'avais bien dit que l'on se reverrait..." Zyanthil haussa les épaules. Il s'apprêtait à rendre le message à Shania lorsqu'il remarqua, au bas de la page, un scorpion finement dessiné. Sa bouche se tordit en une indicible expression d'étonnement. Shania, suivant son regard, remarqua à son tour le symbole, sans comprendre pourquoi il causait tant de surprise à son confident.
- C'est un scorbute ?
- Non, son petit cousin, le scorpion... Tu n'en as jamais croisé dans les ruelles Brâkmarienne ? Je croyais que tu avais l'apanage des ruelles mal fâmées...
- Oh arrête avec ça... Et non, je n'en a jamais croisé. Ca se promène dans les lieux peu fréquentables, ça ?
- A la base, pas spécialement, mais, vois-tu, ces bestioles ne sont pas très appréciées...
- Pourquoi ? Si c'est un scorbute miniature, c'est un animal fascinant...
- Il est bien plus fascinant qu'un simple scorbute, mais il peut surtout s'avérer bien plus dangereux. Ce truc se glisse partout, et peut s'avérer mortel pour l'homme...
- A cause de ses pinces ?
- Non. Ca, ça fait mal, mais ce n'est pas spécialement dangereux. Ce qui l'est davantage, en revanche, c'est le dard qu'il a au bout de sa queue. Il t'injecte un poison qui, chez certains scorpion, peut s'avérer mortel. Il y a en même qui sont tellement fulgurants qu'ils peuvent te foudroyer en quelques secondes à peine...
- Et c'est ça votre vision du terme "fascinant" ?
- Il y a tant à apprendre sur ces créatures ! Savais-tu, par exemple, qu'un scorpion entouré de flammes préfèrera se suicider en se piquant à la tête plutôt que de mourir brûlé vif ?
- Non, je ne le savais pas, et l'ignorer ne m'aurait certainement pas empêché de dormir la nuit. Maintenant, dis-moi ce que tu me caches avant que je ne commence sérieusement à perdre patiente.
- Tu me tutoies à présent, petite ?
- N'essaie pas de changer de sujet...

Zyanthil poussa un long soupir. Shania, assise en face de lui, trépignait d'impatience. Elle était persuadée que ce qu'il allait lui révéler allait être d'une importance capitale pour la suite de sa quête. La quête de quoi ? Ca, elle n'en savait encore rien, mais elle se disait qu'elle allait bien finir par trouver un sens à sa vie...

- Si j'en connais un rayon sur les scorpions, ce n'est pas par hasard. Ma jeune sœur Myrmhil, à peu près ton âge, reçoit depuis trois mois déjà des messages porteur de cette même insigne. Je me suis un peu renseigné sur l'animal, espérant que cela pourrait m'être d'une quelconque utilité, mais cela a plutôt renforcé mon inquiétude.
- Pourquoi cela. Je pensais que le scorpion était "fascinant".
- Il l'est. Au point que sa création est attribuée à Rushu, le Seigneur démon. Il est même utilisé dans les rituels de magie noire...
- Ah. Et en quoi c'est inquiétant ?
- Petite, tu as passé trop de temps dans les rues de la cité noire... Quoi qu'il en soit, je connais quelqu'un qui devrait pouvoir t'aider.

L'enfant de Xelor passa une main affectueuse dans les cheveux de Shania, qui rejeta sa tête en arrière pour l'éviter. Zyanthil lui adressa un sourire triste et lui désigna une ruelle proche. "Tu devrais y trouver celle que tu cherches". La jeune disciple d'Osamodas ne se fit pas prier. Sans un regard au Xelor, elle se leva et se précipita dans la ruelle. L'impression étrange qu'une part cruciale de son avenir se jouait là-bas en cet instant déferla sur elle...

La ruelle était déserte. Ou presque. Seule, une jeune fille jouait aux dés. Ce faisant, elle agitait les longues oreilles développées par les disciples d'Ecaflip. Elle était intégralement recouverte d'une épaisse fourrure noire qui luisait sous le soleil estival. La chaleur devait être suffoquante, en-dessous. Mais Shania n'était pas venue pour s'apitoyer sur une gamine des rues. Il fallait qu'elle trouve la personne qui, peut-être, tenait entre ses mains son avenir. Mais il n'y avait personne. Juste l'adolescente qui, invariablement, lançait ses dés sur le trottoir mal pavé. Et si Zyanthil s'était trompé ? Il n'était pas omniscient, après tout... Shania s'apprêtait à faire demi-tour lorsque, au bénéfice du doute, elle décida d'aller voir l'Ecaflip. On ne savait jamais, après tout... Plus elle avançait, plus l'idée que cette enfant pouvait lui être utile lui paraissait invraisemblable. Elle était à quelques pas de la joueuse lorsque celle-ci leva vers elle ses yeux d'un noir luisant. "Bonjour, Shania. Je suis Lilith. Je t'attendais".
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MessageSujet: Re: Le Destin d'Ombreuse   Le Destin d'Ombreuse EmptyVen 26 Sep 2008 - 16:39

Tome I - Partie I - Chapitre IV




Shania se réveilla en sursaut. Ainsi tout cela n'avait-il été qu'un rêve ? Elle se redressa lentement, ses muscles douloureux lui arrachant un cri de douleur. Elle avait beaucoup couru, la veille, pour calmer le brasier qui faisait rage dans les tréfonds de son cœur. Sans succès. Puis elle avait reçu cette lettre, ces quelques lignes signées du croquis d'un scorpion. Ces quelques lignes qui avait éveillé un étrange écho dans son esprit. Elle s'en était immédiatement remise à un vieux Xélor du nom de Zyanthil, dont la sagesse était réputée. Mais il s'était contenté de hausser les épaules et d'ignorer Shania. Se pouvait-il que ce rêve retrace la conversation qu'elle aurait dû avoir avec lui ? Shania chassa immédiatement cette pensée de son esprit. Elle ne croyait pas en cela, ce n'était que des foutaises tout juste bonnes à effrayer les enfants. Elle s'étira longuement, s'efforçant de trouver un moyen ou un autre d'occuper sa journée. Ou plutôt sa nuit. Elle vivait au rythme de la lune. Le jour, elle se cachait dans la cave d'un entrepôt désaffecté des enclos de Brâkmar, la même cave dont elle avait parlé à Zyanthil, en rêve. Elle y prenait parfois quelques heures de sommeil... mais la plupart du temps, ne pouvant fermer l'œil, elle s'initiait aux rituels de magie démoniaque ou entraînait son corps à des exercices contraignants et répétitifs. C'était le prix à payer pour survivre. Elle ne savait pas très bien pourquoi elle continuait à errer en ce bas-monde, mais il se passerait bien quelque chose, un jour, dans sa vie... Quelque chose qui la pousserait à sourire, à sentir battre son cœur... et son âme. Quelque chose... Non. La disciple d'Osamodas secoua violemment la tête. Il fallait qu'elle cesse de penser à ce fichu songe. Quand bien même lui avait-il parut si réel. A moins que... Elle sortit aussitôt des sous-sol.

Il faisait encore jour. Le soleil resplendissant aveugla un instant Shania. Un tel temps, c'était chose rare à Brâkmar. Dans la rue, les gens en profitaient pour s'étendre et se laisser envahir par la douce chaleur que leur conféraient les rayons de l'astre d'or. Shania jura entre ses dents. Ainsi, c'était ça, le fleuron de l'armée Brâkmarienne ? Une bande de bouftous galeux se vautrant comme des cochons de farle sous un ciel sans nuage ? Un frisson d'indignation parcouru l'échine de la jeune fille tandis qu'une profonde expression de dégout se peignait sur ses traits délicats. Ils ne valent pas mieux que les Bontariens. Elle sentait monter en elle une rage sourde, celle-là même qui aurait dû animer ces hommes et ces femmes... La réputation de Brâkmar précédait la cité. Ce n'était qu'un leurre. Au fond, d'où qu'ils viennent, les gens étaient tous les mêmes. Leur cœur était fait pareillement, et leurs querelles justifiées par des prétextes absurdes. Ne pouvaient-ils pas simplement admettre que leur être tout entier était consumé par le mal et que tuer ne leur apportait ni pouvoir, ni justice mais juste l'ivresse folle de la domination ?

Shania ouvrit les yeux. Quand exactement les avait-elle fermés ? Elle ne le savait pas. Autour d'elle, la même ruelle, le même soleil, les mêmes gens. Un point de vue différent. Que s'était-il passé ? Sa gorge était en feu, ses yeux piquaient et l'intérieur même de son crâne était mordue par une intolérable brûlure. Pendant un instant, elle n'avait plus été maître de ses pensées. Comment cela était-il possible ? Comment avait-on pu insuffler une telle haine en elle, même l'espace d'un instant ? Elle était totalement désorientée. Elle avait l'impression que ses sens étaient engourdis, si bien que la réalité qui lui parvenait était déformée comme la surface d'un lac est troublée par la pierre qu'on y jette... Elle passa une main tremblante dans ses cheveux et se laissa glisser contre un mur. De sa gorge s'envola un rire nerveux, un rire de terreur et de folie. Elle s'efforça de rester calme et, peu à peu, parvint à calmer sa respiration. La clarté revint dans son esprit, chassant d'un coup l'épais brouillard qui en avait pris possession. Elle se mit à réfléchir à toute vitesse. C'était à peu près la même impression qu'elle avait eue, à peine une heure auparavant, quand elle avait vu en songe cette longue discussion avec le dénommé Zyanthil. Se pouvait-il que quelqu'un joue de son esprit pour la manipuler ? Et ce quelqu'un lui voulait-il du bien ou... du mal ? Shania passa en revue dans sa tête les récents évènements. Rien de bien rassurant mais, pourtant, malgré l'ombre immense qui semblait peser sur tous ces épisodes singuliers, rien ne lui était arrivé de néfaste. Jusqu'alors. Elle jeta son poing de toutes ses forces contre le mur auquel elle s'était adossée. Un craquement. Sinistre. Une onde de douleur. Terrible. C'était comme si son identité refluait entre ses doigts, dans son bras, puis son être tout entier. Cesser de se poser des questions. Avancer. Toujours. Sans regarder en arrière. Des flashs agitèrent son esprit, qu'elle effaçait comme ils venaient. Voilà ce qu'avait été son enfance. Elle se redressa fièrement, la tête droite, regardant droit devant elle. Voilà ce qu'allait être le reste de son existence. Ce jour serait à marquer d'une pierre blanche. Ce jour... 12 Maisial 635. Shania tressaillit légèrement. C'était ce jour-là, le jour de son quatorzième anniversaire. Etrange coïncidence qui lui arracha un frisson. D'abord. Un sourire ensuite. Une symbolique parfaite. Le premier jour du reste de ma vie. Forte de cette assurance nouvelle, Shania décida d'aller quérir Zyanthil, sans le laisser se défiler cette fois-ci. Après tout, peut-être était-ce un rêve prémonitoire ? Peut-être détenait-il les clefs de ce qui serait sa nouvelle vie ? Il était temps de prendre rendez-vous avec son avenir.

Le cadavre du vieux Xélor était étendu sur le sol, un poignard fiché jusqu'à la garde dans sa poitrine et, si son visage n'avait pas été figé dans une indicible expression de surprise, l'on aurait pu croire qu'il s'était simplement endormi. Le cœur de Shania battait la chamade. Ses yeux étaient embués de larmes. Elle connaissait mal cet homme, mais nombreux étaient ceux qui prétendaient qu'il était la bonté incarnée. Une bonté servant les intérêts Brâkmariens, certes, mais c'était justement là ce qui faisait sa valeur. Il avait maintes fois apporté son aide à la disciple d'Osamodas. Avant la veille, il s'était toujours montré extrêmement conciliant. Et il finissait étendu là, sous les yeux de la jeune fille qui tremblait de tous ses membres. Une terrible impression de solitude déferla sur elle, balayant toute les résolutions prises jusqu'alors. Shania eu l'impression de revenir six ans en arrière, gamine ballotée par les évènements, comme si elle assistait de l'extérieur au déroulement de sa vie. Elle acquit la certitude que ce meurtre était lié à elle. Le destin semblait s'acharner sur elle. Quelque chose se tramait, quelque chose qui la dépassait, et elle était au milieu de tout ça, sans savoir pourquoi... Si seulement elle avait ne serait-ce que l'ombre d'une explication... Shania, Shania, reprends-toi, tu te fais des idées, c'est sûrement un infiltré Bontarien qui l'a tué... c'est ce qui s'est passé tout à l'heure, ton rêve, ça te rend paranoïaque tout ça... Elle tenta de faire le point. Elle ne raisonnait plus normalement, depuis quelque temps. C'était comme si sa pensée s'emballait. Elle créait des liens entre des évènements qui n'en avaient aucun, faisait des cauchemars et s'aliénait à les décortiquer alors qu'ils n'avaient pas de sens... Quelle idiote je fais. Si je continue comme ça, j'ai plus qu'à me jeter. Je suis vraiment stupide. Shania essuya la sueur sur son front d'un revers de la manche. Elle donna un léger coup de pied au corps du mage pour s'assurer de son état puis fit demi-tour. Tant pis pour lui, c'est la loi du plus fort. "Bah, c'est pas tellement ça, mais il n'a pas dit ce qui était prévu... tu comprends, c'est gênant, pour la suite..." Shania se retourna d'un bond. Une jeune fille blonde habillée d'une tunique de fleurs tressées se tenait penchée au-dessus du cadavre, qu'elle observait avec attention. Le sang de Shania ne fit qu'un tour et elle porta la main à la garde de son épée. Ou plutôt là où celle-ci aurait dû se trouver. "Tu l'as laissée dans ta cave, tout à l'heure. C'est pour ça qu'on a été obligé de faire joujou avec tes pensées. Si tu ne t'étais pas autant inquiétée pour ta santé mentale, tu te serais aperçue de ton oubli et ça aurait été gênant pour la suite..." La jeune fille se désintéressa immédiatement de Zyanthil et s'approcha de Shania, dont elle saisit le poignet. "Je me présente, je suis Alys. Maintenant, il faut que tu viennes avec moi. Je ne peux pas t'en dire plus, ce serait gênant pour la suite". Des milliers de questions se bousculaient dans l'esprit de Shania, mais elle n'était pas en mesure de formuler le moindre mot. Elle se contentait de dévisager cette fille qui était apparue d'un coup, sans qu'elle sache comment, et qui lui parlait tout en donnant l'impression d'être ailleurs... "Oui, je sais, ça fait bizarre hein ? Depuis tout à l'heure, tu n'as pas l'impression d'être toi-même. Tu réagis anormalement, tu n'as plus la même façon de penser, tu n'abordes plus la vie avec ta poésie habituelle... Ca va passer, il y a une explication à tout ça, mais si je te la confiais dès à présent, ce serait gênant pour la suite..." Shania parvint par un considérable effort de volonté à faire un pas en arrière. Mais son être tout entier tournait au ralenti. "Bon, ça devrait faire effet sous peu, ne t'en fais pas, à ton réveil, tu auras l'impression de redevenir toi-même. Tanah y est peut-être allée un peu fort sur la dose, mais ça ne laissera pas de séquelle, il n'y en a jamais. Sinon elle le saurait, à force de s'en injecter à tout bout de champ, pour endormir ses éventuels sentiments... Si toutefois elle est capable d'en avoir... Oulala, ce que je suis bavarde. Tu es très jolie tu sais, mais tu ne devrais pas avoir peur comme ça... je sais que ta perception de la réalité est alternée, mais ce n'est pas une raison pour faire n'importe quoi, sinon ça risque de devenir gênant pour la suite..." Comme la jeune fille parlait, Shania sentait son corps tout entier s'engourdir et son champ de vision s'obscurcissait peu à peu. Elle eu un hoquet. Qu'est-ce qui m'arrive ? "Aller, viens, il est temps que tu me suives maintenant, je ne peux pas encore te dire où, si ça devait tourner mal, ce serait gênant pour la suite..." Les jambes de Shania cessèrent de la porter, elle tomba à genoux. "Sache juste qu'aujourd'hui est le premier jour du reste de ta vie". Shania bascula dans le noir.


Dernière édition par ShaniaWolf le Mer 10 Juin 2009 - 19:45, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Le Destin d'Ombreuse   Le Destin d'Ombreuse EmptySam 2 Mai 2009 - 21:58

Tome I - Partie I - Chapitre V





- Fous-moi la paix, sale chienne !
Il y eut un claquement de langue réprobateur. Shania s’acharna sur les entraves qui maintenaient ses poignets liés dans son dos. Elle comprit bien vite que cela était vain, le nœud avait été noué avec beaucoup de savoir-faire. Elle tenta alors de dégager ses pieds, attachés aux pieds de la chaise où elle était assise, sans plus de succès. De toute manière, même libérée, Shania n’irait pas loin. Le bandeau sur ses yeux l’en empêcherait.
- Tu me déçois beaucoup, Shania, vraiment… Je pensais que tu serais plus… coopératrice.
- Mais qui êtes-vous à la fin !?
Shania avait déjà entendu cette voix quelque part. C’était certain. On n’oubliait pas un timbre aussi glaçant et un ton si maniéré.
- Décidément, tu n’es pas très vive d’esprit. Je commence à avoir des doutes quant à ton identité. Ce serait dommage que nous nous soyons trompées, toutefois. Et ce serait bien la première fois.
- Quand est-ce que t’auras finit de débiter tes conneries, pouffiasse ?
- Oh, mais c’est qu’on persiste à être vulgaire… Je vais être gentille, pour cette fois, mais sache que ce n’est pas comme cela qu’on s’adresse à moi, mon chou…
"Chou". Aussitôt, ce mot éveilla un vague écho en Shania qui, d’un coup, perçut comme un choc électrique. Sans vraiment le réaliser, la jeune disciple d’Osamodas eut un soubresaut. Cette voix, bien sûr qu’elle la connaissait. Peu, mais déjà trop.
- C’est toi ! C’est toi la satanée bestiole qui a assassiné cet Ecaflip, il y a deux jours ! La saleté de disciple de Sacrieur !
- Shania, mon ange, je croyais t’avoir dit que l’on me devait un peu plus de respect. Oui c’est moi ! Je me présente. Tanah Vjün, ton nouveau mentor si j’ose dire.
- C’est quoi ces foutaises ? J’ai rien à voir avec toi, espèce de dégénérée !
- Bon, je ne me formaliserait pas pour le "dégénérée". Et si, bien sûr que si. Tu as à voir avec nous. Tu es une fille de Scorpio.
- Ahah. Plus sibylline tu meurs.
Tanah émit un petit rire puis, après ce qui parût une éternité, reprit la parole d'un ton plat.
- Shania Ishaya. Tu es née le 12 Maisial 621, à Sufokia. Père sculpteur et guerrier des légions de Bonta, mère prêtresse au temple d’Eniripsa. Ce qu’on pourrait appeler des "gens biens".
Sur ces derniers mots, le ton s’était fait insultant, comme si le terme répugnait Tanah.
- De grands voyageurs. Ils sont tombés amoureux et de leur union naquit une unique fille, qu’ils baptisèrent au temple d’Osamodas, Dieu de ton père. Toi. Manque de bol, ils sont morts, assassinés le jour de ton huitième anniversaire. Comme c’est… navrant.
Shania tressaillit. Non que l’évocation du décès de ceux qu’elle considérait tout juste comme ses "géniteurs" la dérangeât. Elle n’en gardait qu’un souvenir très délité et, en ce qui la concernait, c’était presque comme s’ils n’avaient jamais existés. Mais comment se faisait-il que cette fille en sache autant ? En sache même… plus qu’elle ?
- Comment ? Comment tu sais tout ça ?
- C'est simple, pourtant. Le scénario est le même à chaque fois. Ou presque. Mais aurais-tu l’obligeance de ne plus m’interrompre, chérie ? Tu me déconcentres…
De toute façon, Shania était trop sonnée pour rouvrir la bouche. Elle ne comprenait plus rien à rien. Si tant était qu’elle ait jamais réellement comprit quelque chose.
- Je disais donc. Tu as été recueilli par des amis de la famille. Une riche famille de tailleurs Bontariens. Aucune affection, mais une vie de rêve au niveau financier. Et, bien sûr, tu étais toujours fourrée avec ton meilleur ami… Ah oui, comment s’appelle-t-il celui-là déjà ?
Il y eut un bruit de papier froissé, et à cet instant Shania comprit que la Sacrieuse avait des notes.
- Ah, voilà, Gabriel, nom inconnu. Donc, vous étiez inséparables. Puis, aussitôt venu l’âge de tes 11 ans, tu as été enrôlée dans les "Jeunesses Bontariennes". C’est à ce moment-là que tu as mal tourné.
Nouveau son. On tournait une page.
- Tu t'es rebellée, sans doute avais-tu l'impression d'être caressée à rebrousse-poil, un truc du genre. Tu as donc fugué, et as longtemps erré aux alentours d’Astrub. Tu vivais de menus larcins. Bien sûr, plus aucun contact avec ceux qui avaient peuplé ta vie d’avant. Je présume que tu as maudit ta famille et tout le blabla. Gabriel t’a longuement cherchée, à ce qu’il paraît. On a finit par le persuader, non sans mal, que tu étais morte. Tu comprends, tes parents adoptifs pensaient que tu t’étais suicidée, et cela risquait d’entacher leur réputation, alors ils ont pondu un regrettable accident. Tu te rends compte, chou ? Tu as glissé du haut d’une falaise en te rendant aux calanques et tu as disparu, corps et âme, dans la mer. Ca doit faire mal, non ?
Shania ignorait tout de ce qu’était devenu son nom une fois qu’elle avait disparu de la circulation. Ce qu’on en avait fait lui importait peu mais son cœur s’était serré lorsque Tanah avait évoqué Gabriel, son ami d’enfance. Elle chassa aussitôt son image de sa mémoire, bien décidée à ce que sa détermination à effacer son passé ne fléchisse pas. Bien décidée aussi à ne pas se laisser émouvoir par quelque évocation hasardeuse de ce qu'elle avait étée. Et, avant tout, bien décidée à ne laisser paraître aucune faille.
- Après à peu près une année de cette vie, tu as croisé par hasard une de tes anciennes connaissances. Elle ne t’a pas reconnue mais cela t’a permis de réaliser que, si tu restais dans une ville si bien fréquentée qu’Astrub, ton secret était en danger. Tu t’es donc rendue à Brâkmar, où tu vis depuis deux ans désormais.
Un frisson glacé parcouru l’échine de Shania. Comment pouvait-on en savoir autant sur elle ? Comment cette chose pouvait-elle aussi bien la connaître ? Elle, Shania Ishaya, qui depuis des années vivait dans l’ombre et qui avait prit le plus grand soin à laisser derrière elle toute parcelle de son passé ? Pourtant, aussi étrange que cela lui parût, elle n’avait pas peur. Elle éprouvait tout au plus une vague appréhension. Quelque chose avait annihilé la terreur qu’elle aurait dû ressentir, ce que toute personne saine d’esprit aurait ressenti dans sa situation. Mais était-elle réellement saine d’esprit ? Là, dans son cœur, dans son esprit, ce sentiment qui naissait, n’était-ce pas du soulagement ?
- Alors, chou, tu encaisses ?
- Dis-moi, Tanah, qu’est-ce que je fais là au juste ?
- On a renoncé à m’insulter, chérie ? s’étonna la Sacrieuse en constatant que toute trace d’animosité avait quitté Shania. Je crois que c’est bon, Lisys, tu peux la détacher.
La disciple d’Osamodas se retrouva soudainement libérée de ses entraves, comme si elles s’étaient soudainement volatilisées. Puis, une main douce et légère s’affaira un instant dans ses cheveux, et le bandeau ne fût plus là. Alors, Shania ouvrit lentement ses paupières. Elle se trouvait dans une pièce richement décorée, mais le mobilier disparate suggéra à la jeune fille qu’il avait été amené ici pièce par pièce, sans recherche d’harmonie. Elle avait déjà vu ce genre d’assemblage dans son squat : et pour cause, ses meubles, comme ceux-ci, avaient été volés. Cela criait aux yeux tant les couleurs et les matières discordaient. Son attention se porta alors sur les murs : une pierre irrégulièrement taillée, quelques lanternes qui dispensaient un éclairage chiche et, tout en haut, un étroit soupirail. Un sous-sol. Décidément, tout lui rappelait ce qui lui tenait lieu de "foyer". Ce fût alors qu’une voix douce, qu'elle identifia comme celle de Lisys, retenti dans son dos. Elle ne fût qu'un murmure qui parût rester en suspension dans l'air : "Bienvenue à la maison, Shan."
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MessageSujet: Re: Le Destin d'Ombreuse   Le Destin d'Ombreuse EmptySam 9 Mai 2009 - 20:50

Tome I

Partie II - Miroirs

Chapitre I







- Laissez-moi.
L’intonation n’était pas menaçante. Ni méprisante. Elle irradiait juste l’autorité. Un ordre froid, sans colère, sans peur non plus. Un ton si péremptoire qu’on l’aurait attribué à un guerrier confirmé, un homme de pouvoir ou un vieux sage… en tout cas une personne qui se reposait sur une riche expérience et qui avait longtemps senti sur ses épaules le poids des responsabilités. Mais la gamine n’avait que quatorze ans. Au jour près. Elle semblait n’éprouver aucune angoisse, pire, elle sourit, ce qui déstabilisa Shania un instant. Mais l’Osamodas se reprit vite. Comme on le lui avait enseigné.
- Eh bien, on peut dire que tu n’as pas froid aux yeux. Sais-tu seulement à qui tu as affaire ?
- Je vous ai dit de me libérer.
Shania avait bien senti que ses tentatives d’intimidation sonnaient faux, mais elle ne comprenait pas comment faisait la disciple d’Eniripsa pour ne pas perdre une miette de son assurance dans sa situation actuelle. Shania, elle, aurait complètement perdu pied. Shania, elle, avait complètement perdu pied.
- Laisse, Shan, fais juste en sorte qu’elle t’écoute.
Shania acquiesça en silence. Elle avait encore du mal à endosser son rôle, et les conseils de Lisys lui étaient précieux. La jeune Sram avait toujours trouvé les mots pour la calmer, alors que Shania s’était montré réfractaire à toutes les "activités" dans lesquelles on essayait de l’entraîner. Profanations de tombes et de temples, incendies volontaires, cambriolages et casses en tous genres, rapts, tortures et meurtres… cela n’avait plus rien à voir avec les vols à l’étalage dont elle s’était rendue coupable par le passé. Cela l’indignait. La terrifiait. Puis, petit à petit, elle avait comprit. Et elle s’était pliée aux ordres. Non sans difficulté.
- Tu es bien Aewen Lumilya, n’est-ce pas ?
- C’est moi, alors je vous saurai gré de me détacher.
- N’y compte même pas ! Si tu es là, c’est pour nous, mais c’est pour toi aussi, alors il serait fort dommage qu’il t’arrive quelque malencontreux incident, ne penses-tu pas ?
- Ce serait regrettable, en effet. Ceci dit, je ne vois pas en quoi préserver ma santé implique de me laisser pieds et poings liés.

- Arrête de faire la maligne, merde !
Shania écumait. Si une chose l’insupportait, c’était bien cette espèce de détachement dont faisait preuve l’enfant face à elle. Même enlever Tasha, la fougueuse Tasha qui lui avait brûlé la moitié du visage lui avait semblé moins pénible. A cet instant, elle s’aperçut qu’elle caressait machinalement la lésion du dos de sa main. Elle s’était habituée à la douleur, au point qu’elle ne la percevait même plus, mais voir son reflet défiguré dans les miroirs était pour elle le pire des maux. Il ne s’agissait pas de coquetterie, mais savoir que son visage ne serait plus jamais le même ne pouvait la laisser froide. Plus jamais le même. Sauf si…
- Bon, maintenant, tu vas m’écouter, après seulement je jugerai de ce que je vais faire de toi.
- Je vous écoute.
Et du vouvoiement en veux-tu en voilà. Ce n’était quand même pas… de la politesse ?
- Tu es née le 12 Joullier 621, dans le temple d’Eniripsa, où ta mère était prêtresse. Ton père, lui, était intendant au château d’Amakna. Ta vie ne devait pas être désagréable, c’est qu’ils ont de chouettes logements de fonction ceux-là… Manque de bol, tes parents sont morts alors que tu fêtais tes huit ans. Un meurtre tragique. On n’a jamais retrouvé l’assassin. Tu as donc été élevée dans le temple, auprès des amies de ta mère. Le problème, c’est que passé sa dixième année, un enfant n’est plus considéré comme suffisamment "pur" pour être élevé en ce lieu sacré. Résultat, tu as atterri à l’orphelinat, à Sufokia. J’imagine que ça devait être assez glauque. Tu en es sortie lorsque tu as eu treize ans, comme la loi le permet. Et depuis, tu raccommode des filets pour les pêcheurs, en espérant gagner un jour suffisamment d’argent pour aller t’installer à Bonta et quitter ta bicoque décrépie. Je me trompe de personne, peut-être ?
- Non, non, c’est bien cela. Ai-je droit à un peu de liberté maintenant ? Ne serait-ce que… la vue ?
Shania fit quelques pas vers le mur du fond, poussa un long soupir. Tout cela ne menait à rien. C’était peut-être le schéma à suivre, mais c’était inutile. Aewen n’était pas en guerre contre son passé, elle. La convaincre serait difficile. Mais pas impossible. De toute façon, il le fallait. Elle avait un mois pour cela. Il faudrait mettre le paquet. Un claquement sec l’arracha au fil de ses pensées. Elle se retourna vivement, suffisamment pour voir Tasha asséner une seconde gifle à l’Eniripsa. Elle faillit l’empêcher de réitérer son geste une troisième fois, se ravisa. Autant qu’elle se défoule. Contrarier Tasha était dangereux, la marque brunâtre sur son visage était là pour en attester. Aussi Shania se désintéressa-t-elle de la scène. Elle se coula dans l’entrebâillement d’une porte et se laissa lentement glisser au sol.

Voilà deux mois qu’elle avait rejoint les Filles de Scorpio. Une bande de fillettes, à peine plus âgées qu’elle, mais d’une force mentale hallucinante. Elle n’avait toutefois pas eu beaucoup de mal à les cerner. Sauf peut-être Lisys, et c’était justement ça qui la caractérisait. Elle parlait peu, et quand elle le faisait, c’était pour lâcher des paroles sibyllines, comprises d’elle seule semblait-il. La plupart du temps, elle se contentait d’observer en silence, de donner quelques instructions et de disparaître en un clin d’œil. C’était elle qui avait réunit les autres. La première rencontre, en vérité, tenait plus du hasard qu’autre chose. Mais le hasard, ça connaissait Lilith. La taquine disciple d’Ecaflip était presque aussi énigmatique que la Sram, et elle prenait un malin plaisir à se donner des airs de conspiratrice. C’était d’ailleurs grâce à elle que Lisys avait pu poursuivre son œuvre. D’abord déroutée par son attitude dégingandée, Shania avait eu tôt fait de se prendre d'affection pour Lilith. C’était une fille très drôle, quand elle s’y mettait, et à peu près la seule à ne pas lui donner des sueurs froides. Alors à choisir… Mais s’il en était une que Shania ne choisirait certainement pas, c’était la suivante. Tanah. Passé un premier temps de désorientation et d’interrogations, Shania avait eu tôt fait de comprendre que la Sacrieur était tout simplement malade. Démente. Barge. Cinglée. Foldingue. Peu importait le terme, et à vrai dire il n’y en avait pas vraiment pour la désigner. Tout était trop léger. Cela dépassait l’entendement. Sarcastique, froide et meurtrière. Et junkie avec ça, en permanence shootée à un liquide violacé qui brûlait ses veines. Du venin de scorbute. Shania s’était longtemps demandée si c’était la drogue qui la rendait si instable. Puis elle l’avait vue à l’œuvre, et elle avait comprit que cette fille-là n’avait jamais eu une once de raison. Oui, elle l’avait vue faire. Elle l’avait vue chasser. Elle l’avait vue prendre les couleurs de l’innocence. Elle l’avait vue pervertir la pureté. Elle avait vu la cruauté. Et le sang, partout le sang, jusque dans sa tête, jusque dans la bouche de Tanah. Jusque dans sa gueule car, lorsqu’elle devenait prédatrice, elle n’avait plus rien d’humain. Shania lui vouait une haine sans limite. Après la bestialité la plus pure venait l’ingénue Alys. Celle-là était lunatique, si lunatique qu’il était presque impossible de prévoir ses agissements. La plupart du temps, d’ailleurs, elle oubliait les évènements au fur et à mesure qu’ils se produisaient. Son discours n’avait absolument aucune cohérence, et la moindre conversation avec elle tenait du défi. Mais Shania avait rapidement soupçonné un fond plus lucide, plus ordonné, une intelligence froide qui sommeillait. Et enfin, il y avait Tasha. Celle que Shania avait été chargée d’aller chercher, un mois tout juste après son adhésion au club des joyeuses tarées. Physiquement, elle ressemblait beaucoup à Tanah. Même tignasse rousse, mais des yeux d’un vert profond cette fois. Comme ceux de Shania. Dès leur première rencontre, Shania avait comprit qu’elles se détesteraient. Peut-être parce que cela lui avait coûté le côté droit du visage. Probable, même. Tasha avait un tempérament de feu. Extrêmement irascible, elle avait pris la mouche en un rien de temps lorsque Shania avait tenté de l’assommer. Et, de fil en aiguille, une attaque en amenant une autre, Shania avait payé le prix fort. Tasha aussi, en vérité. Mais ça, Shania s’en fichait. Ca ne la concernait pas. Ca, comme le reste, était secondaire. Seule comptait vraiment la Prophétie. Parce que si elles s’étaient réunies, elles, les Filles de Scorpio, ce n’était pas pour jouer aux cartes ou monter une troupe de danse. Elles étaient liées par l’esprit, grâce à ce que Lisys appelait le Scorpion. De leur union naîtrait donc leur Mère Spirituelle à toutes, Scorpio, qui leur offrirait des pouvoirs inégalés. Mais il fallait encore en réunir six. La tâche n’était pas simple, mais Lisys avait déjà fait les repérages et trouvé les filles manquantes. Il suffisait de farfouiller dans les registres de naissance. Elles étaient toutes nées le douzième jour d’un mois. Chacune son mois, dans la même année. Et Lisys mettait un point d’honneur à les cueillir le jour même de leur anniversaire. Shania trouvait ça malsain, on lui répétait que c’était nécessaire. Ah oui, bien sûr, elles avaient toutes perdu leurs parents lors de leur huitième anniversaire. Un meurtre, de la main de Scorpio, ou plutôt de son incarnation.
De toute façon, tout cela n’était que des foutaises. Sérieusement, qui pouvait y croire, à part les dégénérées qui l’avaient entraînée là-dedans ? Si Shania avait eu le choix, elle aurait certainement déguerpi de cet asile vite-fait, sans un regard en arrière. Seulement voilà, elle n’avait pas le choix.
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MessageSujet: Re: Le Destin d'Ombreuse   Le Destin d'Ombreuse EmptyLun 11 Mai 2009 - 22:11

Tome I - Partie II - Chapitre II





- Tu as déjà goûté au sang humain, Shany ?
Une éternité avant que Shania ne comprenne que la Sacrieur s'adressait à elle. Une éternité avant que les sons ne s'agencent correctement dans son crâne pour former une phrase. Une éternité avant que le sens ne surgisse de ces mots. Mais une seule seconde pour que la jeune Osamodas frissonne, le visage déformé par le dégoût.
- Mais qu'est-ce qui te prend de me poser des questions comme ça ?
- Je me renseigne, c'est tout.
Comme si c’était le moment de se renseigner ! Elles étaient suspendues au-dessus du vide, sur une mince poutrelle qui tanguait dangereusement. Sous leur pied, un immense entrepôt de viande. "Il faut bien se nourrir" s’était contentée d’énoncer Aewen en leur présentant le plan d’action. Encore dix semaines s’étaient écoulées et la situation n’avait pas changé d’un iota. Il y avait juste deux nouvelles recrues. Isild, jeune Crâ courageuse, joyeuse et plutôt intelligente, d'autant qu'elle était blonde. Elle était pleine de bonne volonté et aidait beaucoup, toujours avec le sourire aux lèvres. Toutefois, Shania savait que les autres avaient peu d’estime pour elle et l’autre. L’autre, c’était Myz, une disciple d’Enutrof très renfermée dont elle ne savait pas grand-chose. Une brèche commençait à se former, presque palpable, entre les "anciennes", détentrices du pouvoir et de l’autorité, et les "nouvelles", qui devaient se contenter d’obéir aux ordres. Shania représentait la frontière. Du moins, c’était ainsi qu’elle percevait son statut. En vérité, ces deux derniers mois, sa vision des choses s’était sensiblement améliorée. La présence apaisante d’Aewen y était pour beaucoup, la jeune Eniripsa s’efforçant d’amoindrir la tension qui régnait, jusqu’alors omniprésente. La rancœur que se portaient Shania et Tasha s’était muée en une lourde mais rassurante indifférence, et la jeune Osamodas n’avait plus autant de réticence à s’adresser à Lisys. Si elle haïssait toujours autant Tanah, elle parvenait toutefois à s’acquitter de sa tâche sans en venir aux mains. Il était en revanche un phénomène que nul n’avait été en mesure d’enrayer : une rivalité naissante entre les deux rouquines, qui se jetaient régulièrement des regards mauvais, emplis de menaces. Mais ça, à peu près tout le monde s’en fichait, à vrai dire. Seules Lisys et Aewen paraissaient soucieuses à ce sujet. Comme à beaucoup de sujets, d’ailleurs.

Quelque chose bougea, à dix heures. Shania n’eut pas le temps de réagir : Tanah bondit en arrière. Un saut périlleux parfait, où son corps s’arqua en une courbe harmonieuse. Puis, elle fusa simplement dans l’air, totalement verticale. Les muscles de Shania se contractèrent imperceptiblement, dans l’attente du son mat qui marquerait la réception de Tanah. Il n’y en eut pas. Juste un craquement d’os brisés. Suivi d’un bruit sourd. Puis, un hurlement. Puissant, exaltant. Un cri de jubilation. Bientôt, un bruit de pas se fit entendre. Non, pas un. Une dizaine, au moins, vêtus de lourdes bottes. Des soldats.
- Venez, mes poussins, vous allez apprendre comment on s’amuse avec cette chère Tanah !
Une porte s’ouvrit sur un flot de soldats. Une gorge s’ouvrit sur un flot de sang. Puis deux. Puis trois. Bientôt, Shania cessa de compter : Tanah avait entamé sa danse de mort. Souple, agile, elle se mouvait avec une élégance propre aux félins. Sa gracieuse silhouette virevoltait, légère, comme un feu follet. Ses adversaires n’avaient pas l’ombre d’une chance. Lourds, patauds, ils comptaient beaucoup trop sur la force. Une force que rien ne laissait soupçonner sous la musculature fine de la Sacrieur. Une force qui, pourtant, était bien là. Le combat ne mit qu’une dizaine de secondes à se muer en carnage. Bien vite, le sol fut noyé par une nappe rouge. Shania, elle, n’avait pas bougé d’un millimètre. En vérité, elle avait été incapable de détacher son regard du spectacle de Tanah mettant la mort à ces hommes. Un spectacle qui, il fallait le reconnaître, était fascinant. Envoûtant. Enivrant.
- Que fais-tu, chérie ? Viens m’aider un peu mon chou, sinon je devrais encore en parler à Lisys, et elle serait teeeeeellement déçue de voir que tu n’es pas à la hauteur, Shany…
- Premio, ne m’appelle pas Shany. Deuxio, t’es pas en droit de me juger. Tertio, j’me ramène si j’veux. Aux dernières nouvelles, je suis encore maîtresse de mon destin. T’as pas à me donner d’ordres, traînée.
- Ma jolie, tu n’as jamais été maîtresse de ton destin…
Shania ne releva pas. Elle en avait par-dessus la tête de ces conneries de prophéties qu’on lui vomissait chaque jour. Alors, elle se contenta d’obtempérer et se laissa glisser au sol. La sanction serait trop douloureuse, si elle s’avisait de… A cet instant, elle se raidit en s’apercevant que Tanah la fixait. Droit dans les yeux. Un regard froid, dénué de sa sempiternelle flamme animale. Cette fois-ci, c’était différent : il brillait d’un éclat dur que Shania n’avait jamais vu à la Sacrieur. Inconsciemment, elle déglutit.
- Shany, c’est assez, à présent. Il est un fait que tu ne peux plus te contenter d’ignorer.
Tanah se coula aux côtés de Shania, approcha son visage du sien. L’Osamodas ne bougea pas d’un cil, figée par une vague angoisse qui éveilla un souvenir douloureux en elle. Elle sentit à peine cette main froide prendre la sienne, en caresser lentement les contours, se refermer sur ses doigts.
- Toi et moi, nous sommes pareilles.

Shania aurait voulu se réveiller à cet instant. En sueur, dans son lit, pousser un cri et dire adieu à ce mauvais rêve. Seulement, voilà, ce n’était pas un cauchemar. C’était l’ignoble réalité, quoi qu’elle en doutait encore. Tanah était là, penchée sur elle, sa main dans la sienne, et elle lui chuchotait à l’oreille. Elle injectait son insidieux venin en elle, comme pour l’anesthésier avant de lui asséner le coup fatal. Sauf que le coup fatal, il ne venait pas, même si Shania le souhaitait de toutes ses forces. Tout, plutôt que l’horreur que lui inspirait cette phrase. "Nous sommes pareilles". Tanah avait-elle seulement idée de la répugnance qu’elle lui inspirait ? Elle se dégagea vivement, esquissa un pas en arrière, manqua de trébucher sur un cadavre. Tanah sourit. Pas un de ces rictus machiavéliques qu’elle avait coutume de tirer. Non, un véritable sourire, empli de bonté et de gentillesse. Comment pouvait-elle être aussi malsaine ?
- Alors il est temps.
- De… quoi ?
- De goûter.
Avant que Shania n’ait le temps de comprendre, Tanah saisit la dague qu’elle avait rangée dans son fourreau et se trancha l’avant-bras d’un geste sec, sans que cela parût lui causer la moindre douleur. Elle lécha la plaie, avec cette pulsion de folie que la vue du sang provoquait chaque fois en elle. Puis, elle tendit son bras à Shania, geste qu’elle accompagna d’un signe de tête qui pouvait à peu près se traduire par "vas-y, essaie". Shania ne broncha pas. Ce spectacle lui était familier, si familier qu’il en devenait risible. Pourtant, cette fois, Tanah ne se contenta pas de hausser les épaules.
- Bois.
- Et puis quoi encore ?
Shania lança à son ennemie un regard de défi. "Bois". Shania émit un petit son méprisant. "Bois". Shania secoua la tête, avec moins de conviction cependant. "Bois". Shania ressentit un vague vertige. "Bois". Quelque chose s’immisçait en elle, prenait le contrôle de sa volonté. "Bois". Ce quelque chose semblait brouiller sa conscience, effacer ses repères. "Bois". La moralité n’était plus qu’une vague notion. "Bois". L’ordre s’était fait inflexible. "Bois". Shania but.

Tout s’était passé de manière si étrange, comme si cela s’était distendu puis longuement délayé dans les méandres du temps. Shania n’était même pas sûre que cela se soit réellement produit. Elle était seule, agenouillée cet entrepôt désert, unique témoin du massacre des militaires. Qui n’étaient plus là. Juste cette flaque rouge, dans laquelle son esprit s’égarait. Rien n’était là pour prouver qu’elle avait bu, pourtant. Rien, à part elle-même. Se baissant, elle contempla longuement le reflet macabre que lui renvoyait la mare de sang. Jusqu’alors, elle ne s’était pas rendue compte à quel point elle avait changé. Sa musculature sèche saillait de plus en plus, cependant qu’elle s’affinait. Ses traits s’étaient durcis, tirés par la fatigue et déformés par une large brûlure. Et là, au fond de ses yeux vides d’espoir, il lui sembla apercevoir la flamme de Tanah.

Mais bientôt les cauchemars furent dissous par les larmes.
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MessageSujet: Re: Le Destin d'Ombreuse   Le Destin d'Ombreuse EmptyMer 10 Juin 2009 - 20:22

Tome I - Partie II - Chapitre III





Un rire cristallin s’envola vers les cieux, empreint d’une fureur meurtrière. La jeune fille effectua une vrille et, d’un geste vif, trancha la gorge des deux hommes qui essayaient de lui barrer la route. Elle gloussa de plus belle alors qu’elle fichait son poignard jusqu’à la garde dans la poitrine de l’un de ses adversaires. En un arc de cercle prodigieux, elle envoya son talon dans le plexus solaire du dernier soldat, qui émit un craquement sec alors que l’homme fut violemment projeté contre un mur. Elle s’approcha de lui d’une démarche féline. « Alors, chéri, on a peur de la demoiselle ? ». Comme il tressaillait, elle se pencha sur lui et lui lécha le lobe de l’oreille avec gourmandise. Il essaya maladroitement de s’emparer du poignard qui pendait à sa ceinture. N’en eut pas le temps. Ledit poignard avait tracé un arc de feu sur sa gorge. Qui n’en était plus une. La jeune fille se redressa, le visage empreint de déception. Trop rapide. Toujours trop rapide. Alors, pour prolonger sa victoire, elle porta son poignard à ses lèvres. Bientôt, le goût âcre du sang sur sa langue supplanta tout le reste. Plus rien n’existait, à part le vertige de la mort qu’elle donnait.
- Tu abuses, Shany, tu aurais pu m’en laisser au moins un…
Une fraction de seconde suffit pour que Shania fasse volte-face et fende la chair de la Sacrieur. Ou plutôt, fende l’air à l’endroit où la Sacrieur s’était trouvée une fraction de seconde plus tôt.
- Tu es encore beaucoup trop lente, ma chère.
- Tu as encore beaucoup trop à m’apprendre, très chère.
Il y eut ce rire monstrueux qu’elles partagèrent un instant. Puis, Shania remarqua le sang qui collait les vêtements de Tanah à sa peau. Une large plaie béante sur son épaule le vomissait à flots. Tanah affecta l’indifférence et haussa les épaules. Elle ne put cependant dissimuler la douleur que cela lui causait.
- Une saleté de péki de garde. J’y étais pas préparée. Tu veux goûter ?
Shania n’avait pas attendu la fin de la phrase, qu’elle léchait déjà les bords de la blessure avec grande dévotion. Lorsqu’elle se redressa enfin, elle eut une grimace. Cette morsure acide, qui brûlait encore dans les veines de la Sacrieur, lui était familière. Pas franchement désagréable. Mais inquiétante.
- Tu ne devrais pas te droguer autant, ça va finir par te jouer des tours.
- Bah, je suis toujours debout non ? Et puis, c’est teeeeeellement plus amusant. N’est-ce pas ?
- Si on veut. C’est pas mon truc. Je préfère tuer. C’est plus enivrant.
Nouvel éclat de rire.
- Je suis fière de toi.
- Pas autant que moi.
Shania balaya le bâtiment d’un regard distrait. A part les deux Sœurs, il n’y avait plus âme qui vive. Le travail avait été bien fait. Shania poussa un soupir de satisfaction.
- Tu as récupéré les pierres ?
- Trois saphirs, quatre rubis et deux diamants. En parfait état. On devrait en tirer un bon prix sur le marché noir.
- Au fait, les filles ont récupéré la dernière ?
- Il paraît, oui. Lisys m’a informée tout à l’heure par télépathie. C’est Sylca qui s’en est chargée.
- Normal, ouais, c’est elle qu’on a chopé le mois dernier. Enfin, agréablement surprise qu’elle ait réussit à s’acquitter de sa tâche.
- Tu ne l’aimes pas beaucoup hein ?
- Tu plaisantes ? Tu l’as vue, un peu ? C’est une parfaite godiche, et en plus, elle ne ressemble à rien.
- Elle n’est pourtant pas laide…
- J’imagine qu’elle doit être jolie, dans son genre. Après tout, les hommes aiment les potiches dans son style. Ca doit les conforter dans l’idée qu’ils sont supérieurs. Simplement, je me serais bien passée de cette espèce de bras-cassé.
- Elle fait bien son boulot.
- Mais elle est insipide. Elle l'ouvre jamais, elle n'a aucun intérêt. En plus, ces cheveux châtains clairs, ces yeux d’un bleu si pâle, c'est si passe-partout… franchement, dis-moi quel caractère a cette fille-là ? C’est un terne accessoire, rien de plus.
- On a pourtant besoin d’elle.
- De toute manière, on s’en fiche. C’est qui, la dernière, au fait ? Lisys nous en a déjà parlé ?
- Myrmhil Lyzu, disciple de Xelor, native du 12 Descendre 621.
- Lyzu… comme Zyanthil Lyzu ?
Tanah hocha la tête, et le sang de Shania ne fit qu’un tour. Elle revit le visage empreint de bonté du sage Xélor, ses conseils avisés, sa gentillesse… et son sang, partout son sang, jusque dans le crâne de Shania, et il lui sembla qu’il ruisselait sur ses mains. Elle était responsable. Elle était responsable. Responsable. Que s’était-il passé, à cet instant précis, pour que son existence bascule. Jusqu’alors, elle n’avait été qu’une gamine abandonnée, avec ses blessures et ses morsures. Elle en voulait au monde entier, mais jamais, non jamais, elle n’aurait tué. Toute cette colère, ce n’était que de la poudre aux yeux. Mais maintenant, elle s’était faite meurtrière, un nombre incalculable de fois. Elle n’éprouvait plus aucun remord, n’avait aucune hésitation avant de donner le coup fatal. Elle exultait en voyant la vie quitter les yeux de ses victimes. Il n’y avait rien d’autre, que l’ivresse de la mort. Et plus l’agonie était longue, plus la souffrance se faisait profonde, plus le spectacle était enivrant. D’ailleurs, il ne s’agissait plus d’assassinats, mais de chasses. Il n’était plus question de se défendre, mais de se divertir. Cela aurait dû la répugner, la révulser, mais il n’en était rien. Un déclic s’était produit en elle, et il n’y avait plus que cette succulente plénitude. Pourvu qu’elle la berce encore longtemps.
- Shany, t’es toujours là ?
- Ouais, j’pensais à un truc.
- Tu réfléchis trop.
- Sûrement, ouais. Bon, on avait pas quelque chose à faire avant de rentrer, du genre massacrer deux ou trois gardes bontariens ? Ceux-là étaient trop dociles, c’est franchement ennuyant.
Tanah sourit. Elle semblait sincèrement ravie que les choses aient prit cette tournure. Elle avait Shania de son côté, à présent. Cela lui était d’autant plus précieux que quelque chose s’était fracturé entre les Sœurs. L’instigatrice de cette déchirure était évidemment Tasha, en qui la Sacrieur avait d’abord vu une alliée de premier choix. Mais deux caractères aussi explosifs ne pouvaient que créer des étincelles, et l’on ne comptait plus le nombre de fois où les deux rouquines en étaient venues aux mains. Tanah avait trop d’amour-propre pour essayer de calmer le jeu, et Tasha était trop teigneuse pour calmer ses ardeurs. Mais Tanah n’avait plus que faire de la Iop. Shania était sienne, à présent, et la balance penchait en sa faveur. Oui, Shania était comme un chienchien pendu à ses bottes, qui la vénérait littéralement, et elle comptait bien en tirait profit. Comme pour illustrer cette dernière pensée, la Sacrieur sortit de la villa par la porte de derrière, et l’Osamodas lui emboîta le pas.

Shania eut toutefois un regard en arrière. Un léger mouvement attira son attention, et elle se retrouva nez à nez avec elle-même. C’est du moins ce qu’elle cru au premier abord. Elle s’aperçut vite que ce n’était pas elle, mais une jeune disciple de Sram, âgée d’une vingtaine d’années. De longs cheveux noirs tombaient en cascade sur son corps longiligne, cachant presque la dague effilée qui brillait à sa ceinture. Shania porta instinctivement la main à son poignard, pensant qu’il s’agissait là de la fille du propriétaire de la villa, ou sa sœur, ou quelque autre membre de la famille. Mais là encore, elle se rendit compte qu’elle faisait fausse route. Les yeux de la Sram étaient trop sombres, bien trop sombres. Trop énigmatiques, surtout. Ils semblaient porteurs, non d’une menace, mais d’un message.
L’instant d’après, l’inconnue ne fut plus là. Ou bien Shania avait-elle cligné des yeux ?
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MessageSujet: Re: Le Destin d'Ombreuse   Le Destin d'Ombreuse EmptyDim 27 Sep 2009 - 15:29

Tome I - Partie II - Chapitre IV




« Ferme les yeux ».
Shania s’exécuta sans hésiter. Elle savait parfaitement ce qu’elle devait accomplir. Lentement, elle ferma son esprit et laissa les ténèbres s’emparer d’elle. Calant sa respiration sur le cliquetis régulier de la pendule, elle nia à l’univers le droit d’exister au-delà de son corps. Elle cessa d’être pour ne devenir qu’une boule de sensations. Une boule qui, à chaque seconde, semblait devenir plus puissante et plus vaste. Une boule qui, à chaque inspiration, pulsait. Combien cet instant d’abandon dura-t-il ? Shania n’en savait rien, elle avait totalement perdu la conscience du temps. Plus rien ne comptait, que le sang qui martelait ses tempes et les battements de son cœur qui semblaient de plus en plus ténus. Puis, sans crier gare, le feu survint. Il ravagea tout sur son passage. La douleur flambait, profonde et inédite, sur toute la moitié de son visage qui avait été dévastée par Tasha. Les poings de Shania se crispèrent malgré elle, et, un instant, elle faillit renoncer. Il n’y avait plus rien autour d’elle, rien qui puisse l’aider, rien à quoi elle puisse se raccrocher tandis que la souffrance envahissait son esprit et menaçait de supplanter ses résolutions. Rien que la brûlure, qu’elle revivait avec une intensité décuplée. Alors qu’elle se pensait sur le point de céder, il lui sembla entendre un cri, qui montait crescendo des tréfonds de son âme, jusqu’à devenir presque insoutenable. Il lui fallut plusieurs secondes pour comprendre que c’était sa gorge qui poussait cet appel, cette supplique désespérée dont elle seule pouvait comprendre le sens. Faites que ça s’arrête. Mais la douleur continua à gagner en intensité, et elle sentit des larmes couler sur sa joue. Sur ses joues. La douleur n’est-elle donc pas la seule à être revenue ? Se pourrait-il que… ça marche ? A peine cette pensée se fut-elle formée dans sa tête que toute sensation s’évanouit, avec une brutalité alarmante. Shania fut emportée par une irrépressible vague de panique. Elle voulu ouvrir les yeux, n’y parvint pas. Ce n’était plus seulement qu’il n’y avait plus rien; elle n’était plus rien. Et de ne pas sentir sa gorge se serrer, son affolement augmenta encore. Mais bientôt l’angoisse mortelle ne fut plus qu’une broutille. Shania implosa. Ses paysages mentaux s’embrasèrent. Elle n’avait plus de corps, juste une onde invraisemblable de souffrance, sans limite, sans mesure. Hurlement. Sauvagerie. Torture. Prière. La prière que tout cesse, et à jamais. La prière de se perdre, pourvu que la raison ne l’assure plus que malgré tout, elle devait continuer d’exister. La prière de disparaître de sa propre conscience, et de mourir. En cet instant, elle aurait tout donné, si elle n’avait pas déjà tout perdu.
Elle ne s’aperçut pas tout de suite que quelque chose avait changé. Entièrement abandonnée à ses tourments, il lui semblait que rien ne pourrait jamais briser cette prison incendiaire. Mais peu à peu, une vague impression de froid naquit dans quelque part au milieu du tumulte. Un point se détacha du chaos, qui se mit à irradier. Un océan de lumière. Intense. Captivante. Absolue. Le monde basculait.

N’y tenant plus, Lilith se jeta à genoux aux côtés de Shania. Le spectacle qu’offrait la jeune disciple d’Osamodas était à glacer le sang. Depuis un moment déjà, son corps s’était affaissé, comme celui d’une poupée de chiffon. Puis, ses paupières s’étaient ouvertes sur des yeux vides. En vérité, ses pupilles bougeaient trop vite pour être visibles par une personne non avertie. Lilith savait, mais la vision n’en était pas moins terrible. Et voilà qu’à présent Shania se mettait à convulser, en poussant des hurlements irréguliers à moitié étouffés par la salive qui coulait au coin de ses lèvres. La situation était critique, c’était une évidence, et Aewen ne pourrait être d’aucun secours. Elle aussi était en transe, pupilles invisibles, les deux paumes tendues au-dessus du corps tremblant de l’Osamodas. Alors l’Ecaflip obéit à son instinct. Elle tendit la main pour attraper la nuque de Shania et la faire basculer sur le flanc. « Ne la touche pas ! ». La voix de Tanah, impérieuse, implacable, tonna avec tant de puissance qu’elle fit trembler les murs. Son visage glacial n’exprimait que colère et autorité. Lilith bloqua son geste, le souffle coupé.
- Si tu la touches, je te tue.
- Mais elle…
- Tais-toi et rejoins le cercle.
- Tanah, elle n’aurait jamais dû…
- Si elle doit mourir, qu’elle meure. Mais je ne tolèrerais pas que tu manques à tes devoirs en mettant nos projets en danger.
Le regard de Lilith passa de Tanah à Shania, puis il glissa brièvement sur Aewen, qui n’avait pas bougé d’un millimètre. Je suppose qu’elle fait déjà ce qu’elle peut… Alors, lentement, Lilith recula et rejoignit sa place initiale dans le cercle formé autour de l’Osamodas et de l’Eniripsa. Et le silence reprit ses droits, brisé simplement par les râles de Shania.

Au terme d’une interminable descente en enfer, l’agonie s’envola. Dans son sillage, il ne restait plus qu’une impitoyable chape de fatigue. Shania avait l’impression que son corps s’était disloqué et qu’elle n’était plus qu’une masse d’os et de muscles à l’agencement incertain. Mais bientôt cela n’eut plus d’importance. L’épuisement l’avait emportée.
Lorsqu’elle rouvrit les yeux, toute douleur l’avait quittée. Il lui sembla qu’elle nageait dans un rêve. Chaque mouvement paraissait si facile qu’elle avait du mal à mesurer sa force. Elle se dégagea maladroitement des draps élimés dont on l’avait couverte, essuya d’un revers de la main la sueur qui perlait sur son front. Jamais elle n’aurait imaginé éprouver autant de joie en retrouvant ces murs de bois gonflés par l’humidité. En arrivant pour la première fois dans la petite bicoque de pêcheur sufokien, elle avait même déclaré la détester d’avance et pour toujours. Mais la douceur de connaître sa réalité emportait avec elle l’amertume que ce nouveau mode de vie procurait à l’Osamodas. Elle n’avait jamais été très enthousiaste à l’idée de survivre en tant que pirate, n’ayant pas remis les pieds sur un bateau depuis sa petite enfance. Mais les circonstances en voulaient ainsi, et actuellement elle et ses Sœurs s’apprêtaient à écumer les mers _ou plus précisément les ports_ pour les mois à venir. « Bienvenue parmi nous, Shany ». La voix mélodieuse d’Alys arracha bien vite l’Osamodas à ses réflexions. La disciple de Sadida se tenait adossée au mur, toute proche, ayant apparemment pour rôle de guetter son réveil. A côté d’elle s’empilait une quantité inimaginable de toile et de coton, ainsi qu’un petit tas d’aiguilles, avec lesquelles elle s’occupait manifestement à réaliser des poupées aux grimaces grotesques. Il y en avait une armée.
- Combien de temps suis-je restée endormie ?
- Eh bien, cela fait deux jours que nous avons arrêté de compter. Donc, ça en fait six.
- C’est long. Beaucoup trop long.
- Lisys dit que le procédé doit encore être amélioré, et elle croit savoir comment. Bien dormi ?
- Est-ce que ça a marché ?
- Que penses-tu de mes poupées ?
- Tu en as fait beaucoup trop, ma récupération n’aurait pas dû dépasser vingt-quatre heures. Est-ce que ça a été concluant ?
- J’aime beaucoup celle-ci. Je trouve qu’elle a quelque chose… d’expressif.
- Elles sont toutes très… originales. Qu’en est-il du résultat ?
- Oui, oui tu as raison, elles sont toutes bien. Je pensais appeler celle-ci Phèdre, c’est un très joli nom, synonyme de fatalité.
- Phèdre, oui, c’est bien. C’est évocateur. Mais d’où sors-tu ce nom, il me semble le connaître ?
- Au fait, tu veux peut-être savoir si le résultat est probant ?
- Ce serait bien, en effet, que je sache si j’ai dormi une semaine pour rien.
Mais Alys était déjà à l’autre bout de la pièce, et prenait sur une commode un petit cadre rouillé. Elle tendit à Shania ce qui se révéla être un miroir crasseux, puis quitta la pièce sans commentaire. L’Osamodas hésita un instant avec d’affronter son reflet. La réussite ou non de l’essai était décisive. C’était elle qui allait déterminer la suite des évènements. Un échec futur n’était pas envisageable, aussi fallait-il que les rouages fonctionnent au plus vite. Shania prit une ultime et profonde respiration et plaça le morceau de verre face à elle. Et elle vit.

Ecartant ses cheveux poisseux de sa main demeurée libre, elle observa longuement son reflet, sans vraiment parvenir à assimiler ce qu’il signifiait. Ses traits étaient tirés, creusés par une fatigue chronique, étouffés par une tignasse emmêlée qui avait perdu beaucoup de sa splendeur initiale. Son teint était diaphane, à tel point qu’elle en paraissait fantomatique, et ses yeux jadis si vifs paraissaient presque éteints. Son visage ressemblait à celui d’une morte, mais il avait retrouvé sa perfection. Sa symétrie presque parfaite était simplement reniée par un grain de beauté au coin de sa lèvre, qu’elle avait cru perdu à jamais. Incurable. Cela avait été le verdict de trois enfants d’Eniripsa de très haut cercle, lorsqu’ils avaient examiné la terrible brûlure que Tasha lui avait infligée plusieurs mois auparavant. Quand bien même cent la soigneraient, la marque demeurerait. C’était ainsi qu’ils s’étaient tous prononcés, affligeant l’Osamodas d’une éternelle balafre. Pourtant, dans le reflet sale qu’elle contemplait désormais, il n’y avait plus rien. Rien que la rose qu’elle avait été jadis, juste un peu fanée. Sa guérison miraculeuse ne pouvait signifier qu’une chose: l’opération avait fonctionné, ce pour quoi elles s’étaient réunies et se battaient toutes aujourd’hui existait bel et bien, et elles étaient sur le point de le maîtriser. Si elles en étaient dignes. Mais Shania ne doutait pas que cela soit le cas. Elles avaient été choisies par le Destin, guidées par le Ciel, et son reflet ne pouvait pas mentir: plus que lui prouver la réalité de son combat, il lui montrait ce qu’elle était devenue désormais. Car au-delà des cicatrices résorbées sur sa peau, il laissait apparaître une vérité autrement plus profonde, une transformation qui ne devait rien à la magie: sous les pétales fragiles de sa jeunesse était né un cœur d’acier trempé, de ces enchantements de la nature qui perdurent malgré le temps et l’appel de l’au-delà. Cette force indicible qui permet aux rêves d’être toujours vivants après que les étincelles de la fraîcheur se soient éteintes. Pour la première fois, il lui sembla que son image avait une consistance. Et, sans savoir pourquoi, elle pleura.
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MessageSujet: Re: Le Destin d'Ombreuse   Le Destin d'Ombreuse EmptyDim 27 Sep 2009 - 15:44

Tome I - Partie II - Chapitre V




Le miroir de l’eau se brisa. Shania creva la surface dans un fracas assourdissant, qui s’amplifiait alors que les milliers de gouttelettes soulevées par son plongeon étaient happées par l’implacable gravité. Puis, alors que l’océan s’apprêtait à reprendre sa litanie languissante, un chuintement se glissa au creux du ronronnement des vagues. Un sifflement odieux, à peine perceptible, qui fendit l’air plus vite encore que la flèche qui en était à l’origine. Mais, un mètre sous la surface, Shania ne l’entendait pas. Le trait pénétra la chair aussi aisément que l’eau, explosant en un nuage rouge qui se dilua promptement. L’archer courbé sur le bastingage mit en joue cet éclair sanguin et relâcha son doigt. Faillit relâcher son doigt. A cet instant, un cri perçant vrilla ses tympans. Comme il se mêlait au murmure du vent qui l’enveloppait en virevoltant, il mit un moment pour comprendre qu’il venait d’en-haut. Un moment de trop. Il eu juste le temps d’apercevoir la silhouette qui s’élançait du haut de la vigie, jambes fléchies et bras en croix, pareille à un oiseau de proie. Il recula. Voulu reculer. Déjà, Tanah s’était réceptionnée sur ses épaules dans un craquement sinistre et deux lames effilées avaient fendu sa chair, à l’endroit exact où son cœur palpitait. Avait palpité. Il avait bientôt cessé de s’égosiller en vain dans ce corps que plus aucune âme n’habitait. Il y eut le rire. Toujours aussi libre. Toujours aussi puissant. Toujours aussi monstrueux. Mais qu’importe la folie, seule comptait la victoire. Tanah bondit par-dessus le bastingage à la suite de Shania.

La téléportation les mena exactement à l’endroit prévu, dans la petite maison en bois vermoulu. La réussite de l’opération dépendait beaucoup de cela: la capacité de Sylca et Myrmhil à agir vite et bien, lorsqu’il s’agissait de ramener les Chasseuses au bercail après une mission. En cela, elles remplissaient un rôle-clef dans le groupe, ce qui ne leur permettait pas d’obtenir beaucoup de considération pour autant. Aussi, elles eurent tôt fait d’allonger Shania sur une paillasse et de quitter le sous-sol, réservé aux Sœurs Primaires en vertu d’un accord tacite. (Le terme de Sœur Primaire était censé désigner celles des Sœurs qui étaient nées dans les six premiers mois de l’an 631, mais l’affrontement permanent d’égos aussi surdéveloppés que ceux de Tanah et Tasha étant inenvisageable, Lisys avait fait comprendre à la Iop qu’elle n’était pas la bienvenue dans ce groupe d’élite. En revanche, les dons curatifs d’Aewen étant presque systématiquement nécessaires et la jeune personne se montrant plaisante et serviable, il avait été entendu qu’elle prendrait la place de la caractérielle Tasha parmi les Sœurs Primaires.) Lilith entra dans la pièce à ce moment-là. En apercevant les vêtements maculés de sang de Shania, elle eut un frisson.
- Il faut appeler Aewen, s’écria-t-elle.
- Non, répliqua Tanah avec sang-froid. Occupe-toi de tes affaires. Shania est mon entière propriété. C’est à moi de prendre les décisions la concernant.
- Tu vas finir par la tuer avec tes conneries !
Le claquement sec de la gifle retentit avec fracas. Lilith porta la main à sa joue, les larmes aux yeux. Elle avait le goût du sang dans la bouche. Tanah eu une grimace méprisante.
- Règle numéro 1, on m’obéit sans discuter.
- Si elle meurt, tout tombe à l’eau.
- C’est le cas de le dire. Mais elle ne mourra pas. Elle est à peine touchée, elle a perdu connaissance à cause de la téléportation, rien de plus.
- Rien de plus ? Tanah, c’aurait pu être beaucoup plus grave ! Si tu ne fais pas plus attention…
- Si tu te crois plus habilitée que moi pour la protéger, tu n’avais qu’à te charger de cette sortie. Oh mais j’oubliais ! poursuivit-elle théâtralement, tu es teeeeeeerrifiée par l’eau, pauvre petite.
Lilith émit un feulement menaçant, auquel Tanah répondit par un éclat de rire.
- Un jour, ma chérie, tu comprendras peut-être où est ton intérêt. Un jour, ma chérie, tu viendras peut-être ramper à mes pieds, comme Shany.
Il y avait du défi dans sa voix. Lilith soutint le regard provocateur de sa sœur spirituelle. Elles restèrent de longues secondes à se jauger, refusant de céder à l’autre la moindre once de fierté, jusqu’à ce qu’une quinte de toux ne retentisse et ne fasse renoncer Lilith. La santé de Shania était plus importante que son égo. Elle se hâta de s’agenouiller auprès de l’Osamodas, prête à l’aider si besoin était.
- Ca va, Lilith, l’arrêta Shania. Je n’ai rien. C’est juste une égratignure, Aewen aura tôt fait de résorber ça.
- Je vais la chercher…
- Non. Ca attendra. J’ai d’abord… des choses à régler. Laisse-nous.
- Shania a raison, soutint Tanah. On n’a pas besoin d’Aewen, et on se passerait bien de t’avoir dans les pattes. Dégage.
- Tu n’as pas d’ordres à me donner. Nous sommes censées être solidaires au sein de la sororité, descend de ton piédestal. Nous ne devrions même pas avoir à nous encombrer d’une petite garce arrogante telle que toi, pauvre…
- Lilith, va-t-en.
Lilith eut l’impression qu’une pointe se fichait dans son cœur d’entendre Shania lui parler avec autant de froideur. Sentant son amour-propre se flétrir sous le coup, la disciple d’Ecaflip n’insista pas, et s’engagea dans l’escalier grinçant qui menait à l’étage supérieur en maudissant intérieurement Sacrieur et ses enfants. Une fois parvenue en haut, un élan de rage la fit se diriger vers la sortie. Ce fut la voix lasse de Lisys qui la retint.
- Lilith, reste, on va avoir besoin de toi.
- C’est pour quoi, cette fois ? Pour cirer les bottes de cette chère Tanah ?
- Arrête. Je ne voudrais pas être obligée de t’écarter comme Tasha. Myz vient d’inspecter ce qu’elles ont ramené du bateau. Il y avait toute une pile de papiers administratifs. Il y est fait mention de certains accords qui m’intéressent fortement. Vraisemblablement, la guilde de marchands qui possédait le navire a un contrat avec une riche famille de Bonta. La semaine dernière, une livraison a eu lieu, et j’ai de bonnes raisons de soupçonner que ce que nous cherchons s’y trouvait.
- Et ? Tu n’as qu’à envoyer Tanah et Shania, elles se chargeront très bien de cela toutes seules.
- Il nous faudra nous passer de Tanah pour cette mission. Elle est admirablement efficace… mais c’est une tueuse. Je ne veux pas une seule goutte de sang dans cette affaire. Trop risqué. Trop d’implications.
- Alors envoie Aewen à sa place. Elle sera bien plus utile que moi sur le terrain.
- Non. Enfin, si, elle y sera, mais l’on aura tout de même besoin de toi. Le problème est que la famille en question ne… lésine pas sur la sécurité. Il nous faudra nous y rendre en nombre si l’on veut avoir une chance de succès, c’est l’une des maisons que nous avions décidé d’éviter… la maison Sheldrizai.
- C’est une plaisanterie ? Tu veux que l’on entre par effraction dans la demeure de la fille du général des armées Bontariennes ? As-tu seulement idée des dispositifs qu’il a mis en place pour assurer la protection de son unique enfant ?
- Je n’en ai pas seulement idée, j’ai tout cela écrit noir sur blanc, sur du parchemin. Sa fille, Hermia, s’est mariée l’an dernier à Aos Sheldrizai, d’Otomaï. Son père, fou d’inquiétude à l’idée qu’elle épouse un homme dont la réputation n’était pas encore faite, a posé comme condition… ceci.
Lisys désigna à l’ecaflip un large parchemin accroché au mur, sur lequel se superposaient flèches, symboles et notes manuscrites. Des croix rouges étaient disséminées un peu partout. Ce n’était pas de bonne augure. Vraiment pas.

Le surlendemain, l’équipe était en place. Elles étaient huit dans l’opération. Lisys, Lilith, Aewen, Oryn, Sylca, Lucy, Isild et Shania. Jamais un simple vol n’avait demandé autant d’implication. Mais les risques pourtant considérables n’effrayaient personne, tant l’assurance que confère l’habitude était ancrée en chacune. Tout avait été préparé et répété cent fois, au centimètre près. Toutes les éventualités avaient été envisagées, un plan de secours mis sur pied. Mais qui aurait pu prévoir qu’Hermia déciderait d’inviter un de ses amis ce soir-là ? Qui aurait pu prévoir que cet ami se voudrait se faire accompagner du neveu de sa fiancée, qu’elle lui avait présenté le mois précédent, et avec qui il s’était immédiatement entendu ? Qui aurait pu prévoir qu’un seul regard suffirait à Shania pour identifier ses longs cheveux blonds rassemblés en catogan, et ses yeux d’un bleu cobalt illuminés d’un éclat hypnotique ? Qui aurait pu prévoir que le neveu de la fiancée de l’ami de la fille du général de l’armée de Bonta serait Gabriel, la seule personne en qui Shania ai jamais eut foi ? Qui aurait pu prévoir qu’en un instant, Shania verrait toute son existence passée se rappeler à elle et raviver la douleur dans son cœur ? Qui aurait pu prévoir que ses jambes se feraient trop faibles pour la soutenir davantage et que les larmes brouilleraient sa vue jusqu’à ce que tout ne soit plus qu’un nuage de noirceur ? Qui aurait pu prévoir ?


Dernière édition par ShaniaWolf le Dim 4 Juil 2010 - 12:51, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Le Destin d'Ombreuse   Le Destin d'Ombreuse EmptyJeu 29 Avr 2010 - 14:45

Tome I

Partie III - Chaînes

Chapitre I





- Que s’est-il passé !?
Tanah était furieuse. Les poings serrés à en faire blêmir ses phalanges, la respiration rendue rauque et saccadée par la rage, elle avait besoin d’un responsable. D’une tête à faire tomber. Lisys poussa un long soupir, partagée entre l’agacement et la culpabilité.
- On ne pouvait pas prévoir ça. Personne ne pouvait prévoir.
- J’en ai rien à foutre de ce qu’on pouvait prévoir ou pas ! Je veux savoir ce qu’il s’est passé concrètement !
- Je te l’ai expliqué. On est tombé sur un os. Gabriel, son ami d’enfance. Il était là, ça l’a faite basculer.
- Mais il n’y a aucune raison à cela bordel ! Au contraire, ça aurait dû la rendre encore plus prudente ! Elle n’avait pas à défaillir comme ça ! Elle était bien dressée, merde !
Lilith ne pût réprimer un frisson de haine à ces propos. Ses oreilles se dressèrent, son regard s’embrasa et elle bondit devant Tanah, déroulant sa longue silhouette en faisant claquer sa queue sombre dans l’air du soir.
- Shania n’est pas un animal, s’indigna-t-elle, en articulant bien chaque syllabe.
- Désolée mon chou, mais il me semble que les Ecaflip sont mal placés pour juger de cela. Vous êtes tous plus « bêtes » les uns que les autres !
- Shania n’est pas un animal, répéta Lilith alors que la colère montait en elle, menaçait de la submerger.
- Ce n’est pas toi qui l’a vue chasser, ce n’est pas toi qui l’a vue se délecter du sang de ceux qu’elle égorgeait sciemment !
- Ce n’est pas toi qui l’a vue pleurer chaque soir en hurlant que tu faisais d’elle un monstre !
A l’évidence, Tanah accusa le coup. Elle n’avait jamais douté d’avoir sur Shania et sa conscience un contrôle absolu. La révélation de Lilith remettait en cause toutes ses convictions nouvellement acquises.
- Si cela lui fait encore quelque chose, alors arrangeons-nous pour que cela ne lui fasse plus rien.
- Si je puis me permettre, intervint Oryn, on ne peut pas changer la nature d’une âme aussi aisément, en dépit de tous les liens spirituels qui nous unissent à elle.
- Que tu dis. Je n’ai jamais connu l’échec. Ce n’est certainement pas cette crétine qui va m’y confronter. Elle est d’une faiblesse de caractère affligeante.
- Tu te trompes. Elle a sa dignité pour elle. Elle ne s’oubliera pas aussi facilement.
- Alors brisez-la. Qu’il ne reste plus rien de ce qu’elle a été.

Elle avait beau hurler, ne lui répondait que le silence. Elle avait beau guetter le moindre signe, tout n’était qu’obscurité. Elle avait beau s’écorcher les doigts en cherchant une sortie, ses ongles ne trouvaient aucune fissure dans lesquels se glisser. L’endroit dans lequel elle se trouvait était trop bas pour qu’elle puisse se tenir debout, trop étroit pour qu’elle puisse s’allonger. Son corps crispé n’osait plus bouger, son esprit terrifié n’osait plus penser. Shania sentit les larmes envahir ses yeux, rouler sur ses joues jusque dans son cou brûlant quant elles ne mourraient pas dans sa bouche avec le goût salé de la mort promise. Elle avait compté les secondes qui s’égrenaient, les minutes, les heures, mais rapidement le temps avait semblé se disloquer, la marche de son horloge mentale s’étirait, se déformait, n’était plus qu’une vague confusion entre les secondes et les battements de son cœur. Le temps n’avait plus de cohésion, plus d’existence. Elle retrouva une sensation glaçante, une sensation qu’elle aurait voulu oublier à jamais: elle se crû à nouveau emportée dans l’immense maelström mystique qui avait fait disparaître la large brûlure de son visage. Sauf que cette fois-ci, la situation n’était plus une illusion crée dans son esprit par une magie interdite et oubliée depuis longtemps. C’était sa réalité. Le noir, le silence, l’angoisse. La perte de tous repères. Shania ne savait plus où elle était, ne savait plus quand elle était, ne savait plus qui elle était. Elle était une boule de faim et de soif. Cette faim terrible, cette soif brûlante. Son ventre n’était qu’une morsure, sa gorge n’était qu’un brasier. Elle avait de la boue et quelques morceaux de bois pourri pour seule nourriture, pour seule compagnie. Et le froid, partout ce froid, insidieux, qui se glissait dans les moindres parcelles de son être. Elle se raccrochait désespérément aux dernières certitudes qu’elles avaient. Qui s’amenuisaient de plus en plus. La fatigue s’abattit sur elle, et cette chape de sommeil se fondit peu à peu avec le temps qui se délayait. S’était-elle endormie ? Avait-elle simplement fermé les yeux où avait-elle basculé dans l’inconscient ? Et si tout cela n’était qu’un rêve ? Un très mauvais rêve ? Peut-être même n’était-elle pas Shania, peut-être était-elle quelqu’un d’autre, peut-être était-elle autre chose ? Lentement, Shania sentit son esprit s’immerger dans le chaos précaire. Explosion d’incertitude. Océan de doute. Tourbillons embrasés de la folie. Elle se noya dans une solitude infinie.

L’existence avait depuis longtemps perdu sa consistance quand un puits de lumière aveuglant souleva vivement les paupières de Shania. Elle avait passé tant de temps dans l’obscurité que les rayons mourant du soleil couchant lui donnèrent l’impression que le ciel avait pris feu. Elle ignorait s’il lui fallait hurler ou se recroqueviller dans un coin. Elle ignorait si elle était du genre à hurler ou à se recroqueviller dans un coin. Ce dilemme s’envola alors qu’une poigne de fer agrippait ses cheveux en les tirant violemment en arrière. Un ricanement sauvage s’éleva dans les cieux incendiés, et une nuée de corbeaux répondit par des croassements sinistres en étendant ses ailes d’obscurité dans le brasier. Shania sentit les larmes couler sur ses joues, sans comprendre ni pourquoi, ni comment. Il lui semblait que ses yeux étaient restés secs depuis des années, et que le mode d’emploi pour pleurer s’était égaré quelque part en chemin. Pourtant, le monde était noyé dans ce brouillard humide, qui donnait à la danse des volatiles dans le ciel orangé un aspect irréel, inquiétant. Elle crû être aux portes de l’Enfer. Et ce fût la voix de l’Enfer qui répondit à sa question muette :
- Alors, mon chou, on retrousse encore les babines sur ses canines sanglantes ? Ou on a prit conscience que cela valait bien mieux de s’agenouiller face à cette chère Tanah et d’accepter enfin d’être le monstre que l’on a toujours été ?
Shania ne répondit pas. Elle se contenta de laisser ses yeux se perdre dans le vague, loin, très loin au-dessus du monde palpable, vers des cieux menaçants qui semblaient l’aspirer. Tanah, vibrante de rage, l’attrapa à la gorge et se mit à serrer, serrer, jusqu’à ce que l’Osamodas se mette à suffoquer.
- Alors, tu as compris qui était ta maîtresse, ma mignonne ?
- Ou-i…
- Je n’ai pas bien entendu, ma jolie, tu veux bien aboyer un peu plus fort ?
- Oui !
- Alors à partir de maintenant, tu ne me contrariera plus. Jamais plus. C’est compris ma puce ?
L’Osamodas hocha la tête faiblement. La prise sur sa gorge était toujours plus forte, elle peinait à garder conscience. Sa vue commença à se troubler, et une armée de petits points noirs éclata dans son champ de vision. Qui bascula bientôt. Elle venait d’être propulsée au sol par un coup d’une violence inouïe. Quatre traits de feu dansèrent sur sa joue. Quatre ongles tranchants avaient violé sa chair.
Sa gorge se libéra. L’air s’engouffra dans ses poumons avec une brusquerie douloureuse. Elle l’avait tellement attendu qu’il était devenu brûlure. Elle avait l’impression de respirer du soufre.
Elle entendit un cliquetis sinistre, juste derrière elle. Avant qu’elle puisse comprendre ce qui lui arrivait sa tête fut sèchement tirée en avant tandis que des pointes d’acier mordirent son cou, traçant de minces filets rouges sur l’albâtre de sa peau. Instinctivement, elle porta les mains à sa gorge: elle était ceinte d’une épais collier de métal hérissé de pointes tranchantes. En tâtonnant, ses mains rencontrèrent une épaisse chaîne, et elle comprit. Ce n’était pas un collier: c’était une laisse. Et, à l’autre bout, Tanah la fixait.
Shania baissa les yeux précipitamment. Cette soumission n’avait aucun sens à ses yeux, mais elle était là, comme une évidence. Il lui semblait que c’était tout ce qu’elle connaissait. Et c’était tout ce qui la raccrochait à la vie, désormais.
L’acier s’enfonça à nouveau dans sa chair en l’incitant à se lever. Ses jambes affaiblies par les privations peinèrent à la porter, et elle trébucha. A nouveau la douleur au creux de son cou. Elle essaya encore. Echoua encore. Au bout de la troisième tentative, elle parvint enfin à se tenir droite. Mais ce ne fut que pour tomber à genoux sous des coups de bâton. Alors elle ferma les yeux, tous ses yeux. Les yeux de son corps et les yeux de son âme.
Très fort.

C’était un fantôme. A peine l’ombre d’un être humain. Une chose sans consistance, sans volonté, sans vie. Une silhouette en survie. Lilith baissa les yeux, le cœur au bord des lèvres. Tanah avait réussi. Elle n’osait imaginer le calvaire de Shania. Douze jours. Douze jours dans une cave exigüe où flottait un air putride. Douze jours d’isolation dans des conditions lamentables. Douze jours d’une violence atroce pour l’esprit. Et Shania avait fondu, comme une bougie, jusqu’à ce que sa flamme ne finisse par s’éteindre. La lueur dans ses yeux s’était évanouie. Comme le reste.
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MessageSujet: Re: Le Destin d'Ombreuse   Le Destin d'Ombreuse EmptyJeu 29 Avr 2010 - 14:46

Tome I - Partie III - Chapitre II




La conversation s’éteignit d’un coup lorsque Shania passa la large porte de bois sombre. L’Osamodas chercha un regard dans lequel plonger, mais ils la fuyaient tous, même celui de Lisys, dont le sang-froid était pourtant sans pareil. Tous, exceptés un. Deux yeux immenses, sans pupilles, dont elle sentait pourtant qu’ils étaient fixés sur elle. Les lèvres vermeilles de Tanah mimèrent un baiser avant de s’étirer en un sourire satirique.
- La voilà de retour au bercail. Ca fait du bien de retrouver sa niche, n’est-ce-pas ma belle ?
Shania ne répondit pas. Immobile à l’entrée de la pièce, elle sentait vaguement que quelque chose clochait. Quelque chose n’était pas… dans l’ordre des choses. Tanah lui fit un signe rapide pour l’inciter à la rejoindre, et elle comprit. Dans cette salle, autour de cette table, chacune avait une place bien définie. Et, au bout de la table, tout au bout, siégeait Lisys, qui supervisait les opérations. Sauf que. Au bout de la table, tout au bout, Tanah jouait avec sa majestueuse chevelure rousse.
Shania la rejoignit d’un pas lent. Elle sentait que les autres la caressaient du regard, mais il aurait été inutile d’essayer de les surprendre: elle n’aurait croisé dans leurs yeux que méfiance et affliction. Elle arriva enfin face à la Sacrieur, qui resta un instant à la dévisager, muette et dangereuse. Puis, tout doucement, comme on borderait un enfant, elle effleura sa joue du bout des doigts, remonta jusqu’à la racine de ses cheveux et passa délicatement la main dans les mèches noires qui flottaient comme des serpents autour du visage de Shania. Elle approcha son visage du sien, comme dans un rêve, et déposa un léger baiser sur ses lèvres. Shania sentit un frisson courir le long de son échine, mélange de crainte et d’excitation. Puis, sans crier gare, la main de Tanah s’accrocha fermement à ses boucles et tira violemment sa tête en arrière. Un cliquetis. L’acier froid au creux de son cou. Et, dans la main de Tanah, l’autre bout de la laisse. « Assise ! » Shania baissa les yeux. Il n’y avait pas de chaise, juste un petit tapis circulaire sur lequel elle comprit qu’elle devait s’agenouiller. L’humiliation, c’était la voie choisie par Tanah. Quelle importance ? Quelle dignité avait-elle encore à perdre ? Elle se laissa tomber à genoux.
Dans la pièce, le trouble avait laissé place à l’appréhension. Les Sœurs s’étaient réunies sur ordre de Tanah, qui avait le commandement des opérations désormais. Elle les avait réunies dans un but précis, qu’elles allaient bientôt découvrir, et qui ne leur inspirait rien de bon. Mais elles étaient toutes venues, elle savait que c’était ce qu’il y avait de mieux à faire. Toutes, exceptée une. Lilith. La veille au soir, elle s’était engouffrée dans la gueule béante de la nuit et s’y était volatilisée. Elle reviendrait sans aucun doute, quand elle aurait digéré le nouvel ordre des choses. En attendant, il fallait composer au mieux avec les évènements. Et c’était sur Tanah que reposait leur devenir, à présent. Cette même Tanah qui, nonchalamment, était en train de se hisser sur la table et de marcher parmi les cartes, les notes et les différents artefacts qu’elles avaient rassemblé en trois mois de piraterie. En vérité, elle ne marchait pas vraiment. Elle dansait. Et chaque pas la faisait tournoyer plus vite, plus agilement, au point qu’elle devint feu follet lancé dans une course folle. Puis, d’un seul coup, elle se figea. Alors, lentement, elle ouvrit la bouche. Son ton fut froid et implacable.
- A compter d’aujourd’hui, vous n’existez plus. Tout ce que vous avez été avant nous, tout ce que vous avez été avant de rejoindre le groupe, tout cela doit être réduit à un tas de cendres. Je ne veux pas même qu’une trace demeure dans vos souvenirs. Vous devez définitivement raser tout cela. Cela évitera des fiascos comme celui de Shania, à l’avenir.
Plusieurs regards se posèrent sur l’Osamodas. Elle n’avait pas cillé. Aewen se demanda même si elle avait entendu. Puis elle comprit. Son corps avait entendu, mais pas son esprit. Il n’y en avait plus.
Tanah poursuivit sur le même ton:
- Je ne veux plus jamais entendre vos noms de naissance. Vous les oublierez. Vous deviendrez des Wolf. Ce sera notre nom désormais.
- Mais pourquoi ? intervint Lisys. Qu’est-ce que cela peut bien faire ? Et puis pourquoi Wolf, je ne comprends pas, qui a décidé de cela ?
- J’ai décidé de cela et tu as à m’obéir. Wolf est un mot d’une ancienne langue qui désigne le loup, l’ancêtre des crocglands et des meulous. Or, ces créatures-là vivaient en meutes. Comme nous. Des louves. Voilà ce que nous sommes. Tu n’es plus Lisys Chansu, pas plus que je ne suis Tanah Vjün. Nous sommes des louves et, en tant que telles, nous obéissons à l’Alpha, au loup dominant. C’est-à-dire moi.
Tanah considéra avec satisfaction le silence qui accueillit sa déclaration. Elle en profita pour sauter au pied de la table et se pencher sur l’Osamodas qui était demeurée là, sans bouger. Elle la prit brusquement par le menton et lui chuchota à l’oreille:
- Et toi, mon ange, tu n’es plus une Ishaya, tu ne le seras jamais plus. Tu es une Wolf, et tu es mienne.
Puis, dans un même mouvement, elle se redressa et bascula sur la table, où elle s’étendit les bras en croix, faisant mine de s’étirer.
- Quelqu’un ici oserait-il s’opposer à ma décision ? Personne ? C’est bien. Au fait, accessoirement, il faudrait prévenir l’autre fugueuse, que dis-je, l’autre traîtresse de Lilith. Cela vaut pour tout le monde, et je n’ai rien à foutre de ses éventuelles contestations.
Tanah tourna alors la tête pour détailler l’assistance, en quête d’un signe de résistance. Ne rencontrant que la résignation, elle étira ses lèvres en un large sourire, dévoilant ses canines acérées. Elle passa la main dans ses cheveux, enroulant une mèche de feu autour de son index. Elle resta longuement immobile, à savourer l’atmosphère lourde qui régnait dans la salle. Enfin, elle annonça avec légèreté:
- Bien, je vais prendre un bain, histoire de détendre un peu mes muscles endoloris… Vous pouvez disposer. Sauf… toi.
Ce disant, elle tira violemment sur la chaîne qui réduisait Shania en esclavage. L’acier barra la gorge de l’Osamodas, lui coupant le souffle et la faisait basculer en arrière sous l’impact. Elle n’eut même plus le réflexe de porter sa main à son cou. Cette soumission faisait partie d’elle désormais, et son âme toute entière se consacrait à recevoir les paroles de Tanah:
- Toi, tu vas rester sagement ici, sans bouger, comme un gentil petit Péki. Sinon, je pourrais être trèèèèèèèès en colère. Et tu sais que tu n’aimerais pas me voir en colère, n’est-ce pas ?
Shania hocha la tête mollement tandis que la Sacrieur accrochait la laisse à un pied de la table. Alors, elle se laissa tomber sur le flanc en regardant sa maîtresse quitter la salle. Les autres Sœurs restèrent un instant à dévisager, peinées, la forme incertaine, le fantôme étendu en bout de table. Puis, une à une, elles passèrent le seuil de la porte, l’esprit lourd de ce qu’elles avaient vu. Shania resta seule, la tête et le cœur vides, à fixer le plafond au point d’en oublier sa propre existence.

Elle fut arrachée à son sommeil par une violente gifle. Shania suffoqua en sentant la chaîne se resserrer autour de son cou, les larmes lui montèrent aux yeux, noyant le monde qui la maltraitait. Elle parvint tout juste à distinguer la chevelure rousse de son bourreau. Une main puissante se referma sur son poignet et la tira en avant. Shania tituba en essayant de se relever, mais parvint finalement à se retrouver debout sur ses jambes flageolantes. Elle attendit les instructions de Tanah. Ce ne furent pas elles qui vinrent.
- Bonjour, ma petite.
Le cœur de Shania se sera en entendant la voix de Tasha. Que faisait-elle là ? Que lui voulait-elle ?
- Alors comme ça, on est devenu le petit chienchien de la sanguinaire ? Le petit animal à la botte de Tanah ?
Shania demeura muette. La confrontation avec Tasha lui semblait plus dangereuse qu’autre chose, et elle avait encore le souvenir de son visage carbonisé par la Iop.
- Bien, alors on va faire un jeu, toutes les deux. Puisque tu es devenu son nouveau joujou, tu vas aussi devenir le mien. Tu vas m’aider à mettre cette garce à genoux, par toi je vais la détruire. On est d’accord ?
Shania ferma les yeux. Elle en avait assez de ces interminables jeux de pouvoir, de ces guerres intestines, de ces provocations. Mais elle n’avait plus de consistance, elle ne savait plus rien faire d’autre que se laisser balloter d’un évènement à un autre, silencieuse, transparente. La voix de Tasha devint murmure:
- Désormais, tu seras une arme, Shania, une arme de choix. Et tu m’obéiras, à moi, parce que je saurais te récompenser comme il se doit. Ou plutôt parce que si tu le fais pas, tu seras morte avant l’aube. Je me suis bien fait comprendre ? Bienvenue dans la cour des grandes, bienvenue dans le jeu de la mort.
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