On m'a donné ce carnet, autant qu'il me serve... Mon seul rempart contre la folie qui règne dans ces lieux... Mes voisins sont silencieux, ou morts à l'heure qu'il est. En espérant que je puisse survivre à cet horrible cauchemar - ou si ce n'est moi, au moins ce carnet... Bha. Je n'ai plus que ça à faire maintenant : mon seul interlocuteur est un ramassis de vieux papiers muet, et notre interprète cette plume dépenaillée.
Jour inconnu, heure inconnue. Prison de Brâkmar.
Artas est venu pendant la nuit, et ma fait vivre un véritable enfer. Enfin du moins devrais je dire plutôt véritable cauchemar... Je n'ai jamais vu un disciple d'Osamodas être si friant de tortures. Je ne peut pas consigner ici ce qu'il m'a fait il y'a... il y'a ... il y'a ... A quoi bon. Je n'ai aucune mesure du temps dans ce cachot. Il n'y a pas de fenêtre, ni de meurtrière. Je sais en tout cas, pour les avoir déjà fréquentées pour des missions de sauvetage, que je suis dans le plus bas niveau de ces damnées prisons. A part ce gars, aucune autre personne ne gère ce dernier étage. Et personne - vivant ou mort - n'en ressort.
Artas, donc, notre gentil animateur comme il aime se dépeindre, est notre geôlier. Je ne pensais pas qu'un croisement entre un Osamodas et un bouftou pouvait exister... La même mine édentée, le regard aussi fou, c'est à se demander si les nippes qui l'habillent ne sont pas aussi agées que lui. Une balafre de la taille de mon avant bras parcours le coté gauche de son visage, laissant une orbite inoccupée, uniquement cachée par un bandeau au ton rouge criard. Et je ne parle pas de l'odeur... Dans un sens, ça expliquerai le fait qu'il soit vraiment très proche de ces sales bestioles qui le suivent constamment, l'aidant dans ses plus immondes besognes. Et dire qu'il s'en sert pendant ses phases de tortures, tortures pour lesquelles il est très friant...
Cet Osamodas borgne m'a en horreur, pour arranger la situation. Ca doit faire déjà quelques jours qu'il est venu avec son attirail me rendre ma dernière petite visite de "courtoisie". Je... Je vais jusqu'à le supplier de me tuer, de m'achever... J'en ai honte... Il m'a fallu plusieurs... plusieurs "nuit" pour pouvoir me remettre de sa dernière petite "séance". J'ai bien cru qu'il allait me faire perdre ma main droite, lui qui m'a déjà emporté trois doigts sur tout le corps. Seul mon pied droit est encore "indemne", même s'il s'est amusé à me le faire tremper dans ce que j'ai cru de... de l'huile bouillante, chauffée par la lave même des douves de Brâkmar.
En parlant de douves... Au vu de la chaleur étouffante, je vais finir par mourir de soif. Encore étrange que l'encre n'ait pas séché d'elle-même. Je n'ose pas imaginer à quelle distance je suis de la lave. J'imagine que creuser un tunnel ne dérangerait en rien notre hôte, au vu du fait que la roche en fusion doit être juste derrière ce qui me sert de... de lit... Depuis que j'ai ça dans le crâne, je n'arrive plus à dormir... Et si le mur s'effondrait?
[Suite prochainement]