Bonta et Brâkmar, la rivalité Extrait des Mémoires de Lagerf Hilde, Tome 3.Chapitre 27
" ... Il me faut à présent conter l'histoire de la fondation de Bonta et Brâkmar, les deux villes rivales...
En ce temps là, une grande partie d'Amakna était encore sauvage et inexplorée. Bien peu s'étaient aventurés au-delà des montagnes et de la forêt sombre. On savait seulement que s'y trouvaient une lande et une plaine hostiles. Personne ne souhaitait s'y rendre, à part les fous ou ceux qui avaient quelque chose de très secret à cacher.
Dans le village, par contre, bouillonnait le sang neuf des onze nouvelles races. Dans ce tourbillon sans fin de batailles et d'accumulation de richesses s'étaient dressées deux factions parmi les habitants : Les anges et les démons. Les démons agressaient n'importe qui pour le plaisir, l'honneur et le butin. Les anges, quant à eux, pourchassaient les démons pour quasiment les mêmes raisons.
Créée à l'origine pour défaire les démons, la milice des anges les unit et les renforça par le simple fait de son existence. La lutte anges/démons devint un défi d'adresse et d'habileté aux armes. De puissants héros émergèrent et les combats devinrent une question d'honneur. La rivalité entre les deux camps s'exacerba au point que la paix d'Amakna fut troublée.
Les aigles-gardiens d'Amakna décidèrent de calmer les hostilités et de tenter une réconciliation générale. Dans leur sagesse, ils se gardèrent de tout jugement sur les membres des différentes factions, car avec le temps, des abus avaient eu lieu dans les deux camps. Ils réunirent donc deux chefs sages et célèbres - Jiva le Féca pour les anges et Hyrkul le Sram pour les démons - et leur confièrent la tâche d'explorer, de pacifier et de coloniser l'Ouest du continent. Ils déclarèrent l'amnistie générale pour tous les aventuriers qui se joindraient à l'expédition.
Lutter ensemble contre des ennemis communs et fonder un nouveau royaume, ces tâches exaltantes devaient souder les explorateurs et leur faire oublier leurs vieilles querelles (et accessoirement les envoyer loin du village le plus longtemps possible). L'enthousiasme suscité fut à la hauteur du défi, et, unis sous la devise " complètement à l'Ouest ", la plupart des anges, des démons et tous les autres aventuriers d'Amakna répondirent à l'appel. Des héros légendaires dont le souvenir - et les artefacts - sont toujours parmi nous se joignirent à l'expédition : Liriel la gourmande, Kademlia Boulgoure, Hick le Crâ maudit, Hète le brûlant, Isidor l'Eca malin, Mech Riorraw, Hogmeiser...
Donnant l'exemple, Jiva l'invulnérable et Hyrkul l'astucieux, qui s'estimaient mutuellement, acceptèrent de tenter la réconciliation et de prendre le commandement. Grâce à l'union des deux factions, l'expédition était invincible et " pacifiait " tout sur son passage. Le groupe passa par le col des Kwaks et la forêt sombre (qui s'en trouvèrent par la suite beaucoup moins dangereux) et pénétra dans les plaines de Cania, puis obliqua vers le sud.
Le moral était bon, les premières victoires avaient effectivement rapproché les explorateurs. Des rapprochements s'amorcèrent, des ennemis devinrent amis. Mais les vieilles blessures sont souvent longues à refermer... Parmi les fervents d'hier, certains refusaient toute réconciliation, et ne s'étaient joints à l'expédition que parce que l'idée de laisser un peu de gloire au camp d'en face leur était insupportable. D'autres comptaient profiter de la colonisation pour refaire le monde selon leurs vues.
Jiva et Hyrkul eux-même, malgré leur bonne volonté, n'étaient pas pleinement d'accord...
"Je tremble d'avance à l'idée d'une ville bourgeoise et complètement décadente." disait Hyrkul. "Ce qu'il faudrait, c'est s'installer dans un endroit hostile où l'on serait forcé de se battre pour survivre. Rien de tel pour encourager la force et l'habileté !"
"Tout le monde n'a pas pour seul but la guerre et la violence " répondait Jiva. " D'autres buts touts aussi désirables comme la justice, la science ou l'habileté manuelle ont besoin de paix et de tranquillité pour être atteints. "
"Tu te trompes, Jiva, en croyant obtenir tout cela bien installé derrière de gros murs. C'est par l'émulation et le désir de survie que les progrès adviennent. Celui qui ne lutte pas pour vivre finit par mourir, c'est une loi de la nature, et c'est celle qui me gouverne. "
"C'est bien ce que j'avais cru voir. Apprend, Hyrkul, que tous n'ont pas besoin d'être forcés à se dépasser. Beaucoup parmi nous ne cherchent que le bien d'autrui, sans rien attendre en retour..."
Jiva et Hyrkul gardaient leur calme la plupart du temps. Mais imperceptiblement, l'expédition commença à se scinder en deux partis, partageant plutôt les vues de Jiva ou celles d'Hyrkul.
Avançant vers le sud, les explorateurs rencontrèrent les montagnes. Les craqueleurs et les kanigrous harcelaient l'expédition, usant l'endurance des aventuriers. La fatigue commença à se faire sentir : certains voulaient s'arrêter et fonder une ville sans attendre. Jiva et Hyrkul rappelèrent que l'objectif initial de l'expédition était l'exploration et annoncèrent qu'aucune décision de colonisation ne serait prise avant que le continent n'ait été exploré jusqu'au sud. Le moral diminua encore plus en arrivant dans la lande de Sidimote.
Une fois l'extrémité sud du continent atteinte, la décision tant repoussée de l'emplacement de la future cité devint le seul centre d'intérêt. Jiva et Hyrkul, fidèles à leur promesse de réconciliation, étaient tous les deux prêts à faire des concessions. Mais les aventuriers ne l'entendaient pas ainsi. Beaucoup d'anciens démons, partageant les idées d'Hyrkul, voulaient fonder la cité à cet endroit, en plein cœur de la lande. La plupart des anges, jugeant ce lieu invivable, préféraient fortement Cania. Ils arguèrent qu'une colonisation n'impliquait pas forcément une cité unique. Finalement, quand les disciples de Djaul commencèrent à construire sur place et que plusieurs aventuriers soient déjà partis faire de même à Cania, les deux chefs annoncèrent officiellement la scission inéluctable du groupe. Jiva appela auprès de lui ceux qui voulaient bâtir " Bonta ", la ville de la justice, de la paix et du raffinement, et Hyrkul convia les admirateurs de la force, de la ruse et de la pugnacité à bâtir la cité de " Brakmar ".
La séparation fut assez rapide. Certains aventuriers retournèrent en Amakna mais la plupart suivirent leurs anciens chefs ange ou démon (sauf les Ecas qui tirèrent à pile ou face). En souvenir de l'expédition, les deux groupes se promirent paix et assistance et se séparèrent avec un peu de regrets et beaucoup de soulagement.
Chapitre 28
" Méfie-toi des belles paroles, et surtout de celles des Bontariens : Elles leur servent à masquer leur duplicité et leur couardise. " (une grand-mère brâkmarienne à son petit-fils)
" Ne tournez jamais le dos à un Brâkmarien, n'écoutez jamais ses conseils. " (un vétéran bontarien aux jeunes recrues)
Pendant un temps, les deux clans s'occupèrent à bâtir leurs cités. Quelques échanges avaient lieu entre les villes, et la vieille rivalité ange/démon aiguillonnait les constructeurs pour construire plus haut, plus gros, plus solide. Quelques débordements eurent lieu pour savoir quelle ville était la plus belle, mais sans gravité.
Une fois les cités construites, chaque camp lança des raids d'exploration autour de sa ville. Plus nombreux, les Bontariens progressèrent vite jusqu'au territoire des Dopeuls. Mais face à cette terrible menace, ils battirent en retraite pour ramener des renforts. L'expédition brâkmarienne arriva presque au même moment. Plus aguerrie et plus rusée, cette expédition pénétra en territoire dopeul et en prit le contrôle. L'arrivée des renforts Bontariens provoqua une vive tension, les Brâkmariens arguant de leur victoire et de la plus grande proximité de leur ville, tandis que les Bontariens prétextaient l'antériorité de la découverte. On en vint presque aux mains et les deux groupes se séparèrent plein de rancœur. Au passage, en " précaution contre les invasions possibles ", les Bontariens s'érigèrent en " protecteurs " du village des Brigandins, ce qui ne fut pas sans susciter à nouveau de vives contestations. Les Brâkmariens présents à Bonta furent pris à partie, de même que les Bontariens en visite à Brakmar. Les échanges se raréfièrent entre les deux cités, la tension monta.
Les raids d'exploration s'intensifièrent, chacun cherchant à précéder l'autre, et les groupes de chaque faction qui se rencontraient se méfiaient à présent les uns des autres. Des rumeurs commencèrent à circuler sur des espions, ainsi que sur la disparition étrange de certains groupes d'explorateurs.
La guerre se ralluma pour de bon lorsqu'un Sram de Brâkmar particulièrement adroit et chanceux (quoique l'on puisse discuter sur ce dernier point) découvrit la cachette d'un artefact qui lui sembla très puissant : une sorte d'œuf lumineux. Par un extraordinaire coup d'audace, il réussit à le voler aux monstres qui le gardaient. Blessé et traqué, il tomba sur un groupe d'explorateurs Bontariens qui, intrigués, se mêlèrent au combat contre les monstres gardiens. Le Sram mourut dans la bataille ainsi que plusieurs Bontariens. Les survivants emportèrent l'artefact à Bonta. Là, les Enutrofs les plus experts reconnurent l'un des précieux Dofus, oubliés depuis longtemps.
La valeur d'une telle découverte provoqua la colère de Brakmar qui, considérant que le Dofus avait été volé au Brâkmarien qui l'avait dérobé, forma une milice pour aller réclamer la restitution du Dofus. Cette milice ne fut pas difficile à former, tant les évènements précédents avaient échauffé les esprits. A son approche, les Bontariens fermèrent pour la première fois les portes de leur ville, et accueillirent la délégation brâkmarienne du haut des remparts. Malgré la présence d'esprits sensés, les discussions laissèrent vite la place aux vieilles insultes d'autrefois. Quelques flèches volèrent et la bataille s'engagea.
Mais face aux puissants murs de Bonta, la toute récente milice brâkmarienne n'avait pas grand espoir de vaincre. Les attaquants se retirèrent et, en représailles " et jusqu'à restitution du Dofus à ses légitimes propriétaires ", occupèrent/libérèrent/envahirent le village des Brigandins (NDA : au choix suivant la faction considérée). Dans les plaines et la lande, les Brâkmariens prirent également en otage les explorateurs Bontariens qu'ils réussirent à vaincre (une " infâme trahison " selon les Bontariens). La situation empira encore lorsque les Bontariens constatèrent la disparition mystérieuse du précieux Dofus. Les Bontariens accusèrent les Brâkmariens de l'avoir volé, tandis que ceux-ci accusaient les Bontariens de mentir pour ne pas rendre le Dofus.
Les Bontariens formèrent à leur tour une armée, baptisée " milice de défense ", fourbirent leurs armes et partirent " libérer les otages et les territoires occupés ". La reprise du village des Brigandins fut facile, Brâkmar ayant battu le rappel de ses troupes. Les Bontariens conquirent/reprirent/envahirent également le territoire des Dopeuls (NDA : toujours aux choix) et campèrent au pied de Brâkmar.
La milice de Bonta était nettement mieux équipée, et comme de toute façon les Brâkmariens n'étaient pas du genre à se cacher derrière leurs remparts, un combat terrible s'engagea devant les douves de lave de Brâkmar. A leur tour, les Bontariens s'aperçurent que Brâkmar était puissamment défendue et que sa prise était peu probable. Ils lancèrent donc une attaque commando à l'intérieur de la ville pour libérer leurs otages. Puis, considérant que l'honneur était sauf et que le but de l'opération n'était pas la prise de Brâkmar mais uniquement la libération des otages et des territoires occupés, l'armée bontarienne se retira (ou " s'enfuit lâchement " selon la version brâkmarienne).
Voulant se venger de l'humiliation qu'ils avaient tout de même subi, les Brâkmariens prirent les armes et poursuivirent l'armée bontarienne qu'ils attaquèrent par surprise dans la lande de Sidimote (" dans le dos et par traîtrise " selon les Bontariens). Dans ce terrain hostile et envahi de bêtes sauvages, la bataille fut un carnage pour les deux camps. Les fragments d'armée s'en retournèrent dans leurs cités respectives, et depuis lors, ce fut une guerre sans merci.
Les sages d'Amakna se penchèrent sur l'aventure du Dofus, et s'inquiétèrent des autres Dofus qu'ils avaient caché il y a bien longtemps. Ils découvrirent que tous sans exceptions avaient disparu... "
- Fin du volume 3 -