La déesse Sacrieur accède au Panthéon
Le grimoire précédent,
Aguabrial et Djaul, relatait la façon dont le démon avait usé de sa ruse pour dérober le Dofus Turquoise au dragon. Mais contre toute attente, celui-ci n’eut pas autant réussite que voulu. Le Dofus a été couvé d’une telle manière par Aguabrial, le dragon d'eau, qu'il a éclos et donné naissance à Bolgrot. L'acte horrible de Djaul s'est fait ressentir dans tout le Monde des Douze. Comme Hel Munster l’a si bien dit : "Un battement d'ailes de moskito peut provoquer une tempête à l'autre bout du monde".
L'appât de ce Dofus à fait perdre toute notion du temps à Djaul. Il ne se souvenait plus combien de jours et de nuits il était resté dans la grotte à attendre sagement que la ruse fonctionne. Le démon eut alors l'idée d'user de son pouvoir pour consulter l'horloge divine et dès lors sa colère se fit grande. Il était entré en octolliard dans l'antre d'Aguabrial et pourtant cela faisait désormais seize jours que le mois de descendre venait de commencer.
Brumaire avait empiété sur le mois dont il avait la responsabilité. Il déchaîna alors la glace de descendre sur le monde. Pendant les deux semaines restantes du mois de descendre le démon resta terré dans la forêt, alourdissant les terres de glace. À la fin du mois sa vengeance était fin prête... C'était le moment où Solar arrivait en haut des montagnes d'Amakna pour annoncer le mois de Javian. Mais Djaul l'attendait, tapi dans l'ombre.
Au onzième coup de minuit, quand Solar commençait à ouvrir la bouche pour annoncer la nouvelle année, Djaul sortit et laissa sa rage se déverser. Bien sûr, en brave guerrier, Solar se défendit, mais en vain, il prit un coup mortel et s'effondra sur le sol sans vie. Le mois de descendre fut le plus rude et le plus long que connurent les habitants du Monde des Dix : famines, épidémies, pillages et autres malheurs ravagèrent les campagnes. Seules les déesses semblaient faire attention à leurs disciples : Féca et Crâ pouvaient user du feu blanc contre le froid. Les disciples d’Eniripsa, elles, pouvaient compter sur leur art pour subsister à ce froid extrême. Quant aux autres, ils s'affaiblissaient chaque jour davantage. Il n'était pas rare de voir des guerriers jadis glorieux, morts sur la route et recouverts d'une fine pellicule blanche.
Un jour, un prophète vint et déclama à qui voulait l'entendre qu’il avait été bûcheron dans le passé et qu'aujourd'hui il prêchait la parole de Sacrieur, une nouvelle venue dans ce bas monde. Les malheureux lui juraient fidélité en lui remettant leurs souffrances, et grâce à la déesse ils recouvraient force et vigueur.
De nouvelles prières étaient chantées. Mais celles-ci étaient désormais destinées à cette nouvelle déesse puisque les autres dieux semblaient sourds aux appels de leurs disciples agonisant. La déesse, qui semblait être faite de compassion, possédait des disciples venant de toutes les contrées qui affluaient de plus en plus. Le prophète créa même un alexandrin au cours du voyage avec les autres disciples de Sacrieur :
"Nous partîmes cinq cent;
Mais par un prompt renfort
Nous nous vîmes trois mille en arrivant au port,
Tant, à nous voir marcher avec un tel visage,
Les plus épouvantés reprenaient courage !"
Djaul avait suivi l'avènement de cette déesse avec attention, il se demandait comment tirer profit de la situation. Au sommet d'un arbre, il observait les nouveaux disciples, quand il fût tiré violemment en arrière. Surpris, il n'eut pas le temps de se retenir aux branches et dégringola jusqu'en bas. A moitié assommé, il vit Silvosse le protecteur de Flovor avec dans sa main un marteau des plus massifs. Celui-ci commença à blâmer Djaul pour son manque de respect envers ses arbres et asséna un coup que le démon ne pu éviter. La neige fondit alors instantanément autour d'eux.
Pendant ce temps les dieux étaient rassemblés au Panthéon. Les disciples de Sacrieur affluaient de partout pour accueillir cette nouvelle déesse, il fallait donc qu'elle entre dans le cercle des dieux. Rushu ne la trouvait cependant pas digne de ce nouveau rang, il était en réalité jaloux de son succès, mais Sacrieur restait impassible devant les reproches du démon.
Sacrieur prit alors l'horloge divine entre ses mains, telle un oracle. Chaque seconde écoulée murmurait la vie du monde. Elle et tous les autres dieux entendirent les souffrances des habitants d'Amakna. Mais dans ce son affreux, on entendait aussi le doux bruit qu’était l'apaisement. Prise de compassion, une larme coula le long de sa joue et tomba dans l'horloge divine pour arriver jusqu'à la grenouille dévoreuse de temps qui coassa de surprise.
L'horloge fût alors prise d'une convulsion, comme si le temps se froissait. A cet instant, Xélor prédit que Bonta et Brâkmar, les villes rivales, seraient détruites lors de la guerre des cités, et que grâce aux larmes de la déesse, elles rejailliraient du néant dans lequel l'histoire les auraient jetées. Cette fois il ne toucha pas à cette anomalie chronique qui était une seconde chance pour les deux cités.
Le Monde des Dix s’appelait désormais le Monde des Onze.
