Pourquoi avait-il dit oui ? Par simple égo, par simple nostalgie peut-être ? Autour de lui il n’y a plus rien. Rien que le froid mordant tacheté de rouge.
Il crache un peu. Davantage de rouge dans cette étendue blanche qu’il connaissait par cœur.
Un dernier rire, et il se redresse. Il était cerné. Autour de lui les créatures s’amènent.
Un dernier rire, et il s’élance. *****
Deux jours plus tôt. Frigost, à la taverne d’argent.
Un steamer seul, enroulé d’une large écharpe passe la porte. A son armure, à ses armes, et sa prestance, on devine une personne aisée. A son regard, peut-être une un peu plus désespérée.
Voilà bien longtemps qu’il avait ses habitudes ici. Trois pas devant la porte, inclinaison de la tête, une salutation, fermer la porte, puis aller demander un rhum. Recevoir un regard méfiant, puis enfin le silence. Mais cette fois, rien de tout ça.
Il s’avance sans un mot, droit vers le bar.
- Une tisane s’il vous plait.
On murmure. On le regarde. Le tavernier lui même se penche vers lui, peut-être inquiet, peut-être soucieux.
- Vot’ client est pas là m’sieur. Il a dit qu’il prenait de l’avance.
Il sert quand même la tisane. Le steamer la regarde et soupire. Pourquoi fallait-il qu’a chaque fois ils avancent seuls, qu’a chaque fois ils prennent des initiatives désastreuses. Il boit tout de même sa tisane, et remercie l’homme avec un sourire. Peut-être un peu triste.
- Vous avez pas l’air bien m’sieur. Et il fait nuit, vous devriez pas partir maintenant, en plus une tempête se prépare. J’peux vous avoir une chambre pour ce soir.
Et le steamer le regarde. Pour la première fois il sourit sincèrement.
- Merci. Mais je dois y aller. Il a payé pour sa sécurité. Et si il est seul là haut… Merci l’ami. On se revoit à mon retour.
Il laisse sur le bar quelques kamas. Dix de plus que le prix. Comme à chaque fois. Puis il s’engouffre seul dans le froid sur les traces de son client.
Visiter le château. Rien que ça. Ramener une arme gelée. Trouver un autel. Sur le papier, rien de bien dur. Mais un client qui paye pour sa sécurité est capable d’alerter de bien grands danger. Et de plus, traverser Frigost de nuit n’était pas de tout repos. Et ce n’est qu’après de longue heures de marche qu’il arrive enfin au pied de la montagne. Ariker regarde la montagne avec un petit sourire. Qu’est-ce qu’elle était belle, il ne pourrait jamais s’en lasser. Puis il commence l’ascension.
*****
La fin de l’espoir.
Le chemin jusqu’ici à été une partie de plaisir. Au fur et à mesure que je commence l'ascension, je me rend compte de l’horreur qui va suivre. Outre la glace et le vent, qui à eux seuls vaudraient bien la nomination d’épreuve, le chemin n’est pas clair. Déjà au pied de la montagne se trouvent quatre voies. L’instinct, toujours le même. Tout droit. Tant pis si je me trompe, je reviendrai ici. Je suis là pour trouver la grotte. Si il le faut j’explorerai chaque recoin de cette montagne. Un escalier. Qui monte au cœur du froid.
L’ascension est longue, les marches glissent et plus je grimpe plus le vent et la grêle deviennent mortels. Chaque minutes qui passe est une minute de lutte. Chaque pas est plus difficile que le suivant. J’ignore depuis combien de temps je marche… Le nombre de voies qui se sont présentée à moi est innombrable. A chaque échec je reviens sur mes pas. J’ai adopté une méthode plus claire pour ne pas me perdre. toujours choisir le chemin le plus à droite. Compter le nombre de bifurcation. A chaque fois j’arrive sur un cul de sac, et je reviens à la bifurcation d’avant, prenant alors le chemin à droite de l’ancien. Si tout les chemin sont exploré, je reviens au croisement antérieur. Et ça pendant des heures.
Jamais je n’ai connu pareille douleur climatique. Jamais mon corps n’a été autant mis à l’épreuve. Mais reculer est hors de question. Ma cape a gelée sur mon dos. J’ignore si son poids me ralentis ou me rassure. Ma monture avance de plus en plus lentement au fur et a mesure que nous avançons. La glace se fait omniprésente. Le chemin glissant nous oblige à une attention de tout instant, un faux pas nous précipiterai des centaines de mètres plus bas.
Je ne dois pas me détourner, ni maintenant ni plus tard. Mon devoir passe avant mon réconfort. Alors je passe mon chemin devant les grottes, malgré les voix qui semblent m'appeler.
Des voix que je crois reconnaitre. Les voix de mes camarades morts. Les voix de mes frères. Des voix que je sais fausses, et pourtant, la curiosité me pousserait presque à y aller. Tourner le dos à ce que je sais disparu. Avancer. Le déchirement au cœur, je tourne le dos à ces voix qui me font mal. Ces voix qui semblent si chaudes. Leur litanies en deviennent presque déchirantes. La tristesse est omniprésente. Et pourtant j’avance toujours.
La fatigue est insupportable. Nous aimerions beaucoup nous reposer, nous caler dans un coin pour dormir un peu. Mais le froid ambiant est un poison mortel. Une fraction de faiblesse, et la mort nous prendra tout les deux. Alors quand l’épuisement se fait sentir trop, quand la glace obscurcie nos regard et nos pensée, je puise dans mes force pendant une minute. Juste le temps de détourner le vent de notre visage. Je nettoie alors la glace qui pend sur le devant de ma monture, je lui masse les pattes, puis nous replongeons dans le vent et l’effroi.
Après un nombre d’heure que je ne saurai quantifier. Mon esprit alors dans un état second, alors que je revenais pour la septième fois à une intersection, j’aperçois une tente. Enfin, le réconfort. Mais il y a un problème.
Le client est là, mort de froid. Je le sais très vite. Il ne bouge plus, le nez et les mains congelées. Je peste, j’avance, et je comprend alors. Je comprend a quel point j’ai été sot de penser que j’étais seul. Car ils sont là. Des armures animées me regardent avancer. Mais je n’ai pas le choix. Je ne peux pas tourner le regard, et je n’ai pas la force de faire demi-tour. Il n’y a plus que le combat, ou la soumission.
*****
Trois heures plus tard.
Personne ne bouge, et tous me regardent. Ils n’attaquent pas encore, mais ce n’est qu’une question de temps. Cette montagne que j’aimais tant sera sans doute ma fi-.
Non.Qui parle ?
Non. Qui est là ?
Non. Non. L’espoir avant tout. Ah oui c’est vrai. Je suis un soldat. Je suis là parce que j’ai accepté de l’être. Un rire. Ici je ne suis pas sage. Ici je suis moi, peut-être pour la dernière fois. Personne pour me regarder, personne pour me tenir en laisse. Ici, je suis moi.
Je tape mes mains l’une contre l’autre. Je dessine un cercle du pied, et deux tourelles émergent. Je tire ensuite mon arme.
Ils sont trop nombreux tu sais ?
Tu n’as aucun espoir, il faut fuir.
Fuir ? Lui ? Il y a un silence, puis des grincements, des notes qui ne devraient pas exister. Les armures se mettent à bouger. D’un seul mouvement. Les premiers tirs déboitent les plus audacieuses. Les flèches commencent à pleuvoir, et bientôt, c’est une danse pour la survie qui s’engage. Je ne suis plus rien, plus qu’instinct. Je ne vois plus rien et le sang qui coule de mon front obscurcit ma vision. Mais je me sens si bien. Si euphorique. A me battre là, seul, au milieu d’un champs.
Tu vas perdre tu le sais ?
Arrête maman. Il est heureux là.
Frère, tu es sûr de toi ? Je n’ai jamais été aussi sûr de moi. Jamais aussi décidé. Chaque armure qui tombe n’est qu’une étape. Je me bat avec mes tripes, avec mon sang, pour une fois, sans artifices. Chaque coup que je reçois est une décharge d’adrénaline.
Les morceaux d’armures commencent à me gêner, mais la tempête se calme. L’aube finira par arriver. Je pourrai enfin comprendre ce que je fais.
On devrait y aller !
Non. C’est trop loin.
Mais foutez lui la paix !!L’aube arrive, et avec elle une vision enfin claire sur ce qui s’annonce. Ils sont juste trop nombreux finalement. Malgré les tirs, malgré une expérience de combat, malgré une connaissance de la zone assez poussée.. Parfois il est des choses contre lesquelles ont ne peut rien.
Mère ! Tu ne vas pas le laisser.
Tais-toi petite sœur. Regarde.
Silence vous deux. Je les entend, comme si ils étaient juste derrière moi. Et les heures passent, entre fracas métallique, et voix inquiètes. De longues heures. Jusqu’à la fin. Celle ou mon corps lâche. En plein mouvement, en pleine parade, mon bras s’arrête. Le coup me soulève du sol et m’envoie m’écraser bien plus loin.
Je perd mon souffle. Je sens que je faiblis terriblement. Et pourtant, quelque part il reste un peu de force. J’abandonne mon esprit. Au final qu’importe ces souvenirs que j’ai tant cherchés. Qu’importe les plans, les idées, les inventions. A la fin, il ne reste que la lumière.
Je brule mon corps. L’espoir est déjà loin.
Pourquoi gagner si à la fin on meurt quand même ?
Là-haut, dans le froid, vivait un petit homme.
Là-bas dans le noir vivait un petit monstre.
Deux choses qui n’auraient jamais du se rencontrer.
Deux choses avec un passé abîmé.
Là dans le noir.
A la fin, enfin réuni. Les cage s’ouvrent. Définitivement. Mon esprit lâche. Je n’ai plus la force de maintenir les protections. Ma foi est arrivée à son terme. Tout les laboratoires cessent de fonctionner. Les bâtiments coulent. Tout n’est plus que poussière.
Une vie consumée.
Tu le déteste tant que ça ?
Le temple va sombrer hein ?
Il faudra simplement aller dormir. Là haut dans le froid, un petit homme seul, au milieu d’une peinture rouge et or, enlace une dernière fois son ennemi.
Je n’ai plus que mon sourire. Ma force, mon esprit, tout est fini.
Frère, j’arrive.
Moi aussi.
Bande d’imbéciles.. Pourquoi avait-je dis oui ? Par simple égo, par simple nostalgie peut-être ? Autour de moi, il n’y a plus rien. Rien que le froid mordant tacheté de rouge.
Je crache un peu. Davantage de rouge dans cette étendue blanche que je connaissais par cœur.
Un dernier rire, et je me redresse. Des armutins à chaque coins de mon regard. Autour de moi les créatures s’amènent.
Un dernier rire, et je m’élance.*****
Deux personnes arrivent au crépuscule. Là où il n’y avait plus rien. En silence il regarde la bête allongée par terre, morte, protégeant les derniers restes d’armure. Il ne reste rien.
Rien que des morceaux de métal froids.
Quelque part, sous l’eau, un dôme de verre se brise.
Quelque part, à Sufokia, un robot arrête de fonctionner.
Quelques part, à Bonta, un appareil s’éteint définitivement. Les deux ramassent l’armure. Ils savent qu’il n’y a plus d’espoirs. A peine plus de lumière. La nuit arrive, et avec elle le repos.
Les enfants, nous avons fini.
Alors on peut arrêter ?
Oui.
Tant mieux, j’étais fatiguée d’avoir peur. ******
Un tombe regarde le ciel. Pas de nom. Il n’en a jamais eu. Les deux se regardent. Ils sont soulagés. Et aux derniers rayons de soleil, il embrassent la nuit.
A ceux qui passeront, une tombe et deux dormeurs, recouvert par la neige. Il ne restera rien.
Silence. C’est fini tu penses ?
Oui. C’est la fin.
Qu’est-ce qu’on fait.
Comme à chaque fois jeune fille. On regarde, et on se souvient. Le temps est venu de dormir alors ?Surement.
C’est la première fois qu’on est tranquille. Ça fait du bien.
*****