J'ignore ce qu'il s'est passé.
Ce matin je ne me suis pas réveillée dans mon petit lit de notre petite maison de campagne, mais dans une demeure luxueuse du Château d'Amakna. Et qui est cette dame assise à côté de mon grand lit de boiseries magnifiques ?
"Oh, mademoiselle, vous êtes réveillée. Laissez-nous vous faire votre toilette. Le maître vous attends pour le petit-déjeuner."
Des domestiques ?! Qu'est-ce que celà signifie ? Maman n'aurait jamais eu les moyens de payer quelqu'un ne serait-ce que pour faire un peu de ménage..
Et en une demi-heure me voici entièrement toilettée, parfumée, les cheveux parfaitement lissés et ornés d'un lotus blanc, le teint éclatant, les ongles peints du même rose pâle que ma chevelure, et vêtue d'une longue robe de soie blanche. Je suis ensuite conduite dans une grande salle à manger remplie de trophées en tout genre, au milieu de laquelle trône une grande table en chêne entourée de pas moins de dix-huit chaises. Des victuailles que maman n'aurait pu d'avantage s'offrir sont disposées autour d'un homme en peignoir noir et or dont la moitié du visage est cachée par un masque de cuir sombre. Demi-visage qui affiche une moitié de sourire dès que je prends place.
"Bienvenue chez toi Emilune. Je t'en prie, manges à ta faim."
Sa voie est grave et chaude, je dirais aussi rassurante. Et pendant que je me sers timidement dans les pâtisseries qui auraient pu être servies à la cour royale, il se présente à moi comme maître Aniabé, patriarche de la famille du même nom. Aniabé, je connais ce nom, c'est une famille liée à la pègre dont la rumeur rapporte qu'ils sont influents sur la politique d'Amakna. Ce qu'il me raconte me glace, et me coupe aussitôt l'appétit: le "protecteur" de maman serait à nouveau venu pendant la nuit pour tenter de me kidnapper et ainsi obliger maman à payer. Elle l'aurait surpris et tué, devenant de fait ennemie de la famille Brindal, toute aussi influente dans le monde souterrain...
C'est pour cette raison que maître Aniabé l'aurait recueillie et lui aurait suggéré de changer d'identité pour se cacher, tout en lui confiant sa fille qu'il ferait passer pour sienne le temps que les choses se calment, c'est à dire moi !
"J'ai aimé ta mère étant jeune et l'aime toujours autant, je ferai donc en sorte que tu ne manques de rien."
Si mes amis savaient, en particulier Uruha...
Non je ne dois rien leur dire !
Garder le secret...