Miercolidor, le 10 Flovor 646Une histoire de provoc'.Aujourd'hui, je vais vous raconter une soirée où notre adresse et notre sens de la compétition ont été mis à l'épreuve. Avant de vous en dire plus, je dois remonter un peu le temps et revenir le 10 Flovor 646.
Usagi, ne souhaitant qu'assouvir mon désir inépuisable de découvertes et d'exploration, m'emmena après son service aux lacs enchantés. Je m'étais déjà rendu dans les environs mais j'ignorais que cette montagne cachait jalousement de nombreux petits étangs. Des créatures qui habitaient les lieux osaient de temps à autre s'en prendre à nous. Usagi, fidèle de Féca, comme toujours, nous protégeait.
Nous décidâmes de nous border contre l'une des rives environnantes. Même si je vis pour la découverte, il n'y a rien de plus plaisant pour moi que de m'asseoir à côté de lui, glisser la main contre la sienne et poser la tête contre son épaule. Il jeta alors un caillou dans l'eau et celui-ci ricocha. Il lui prit alors l'idée de m'apprendre à en faire de même.
Mes progrès furent rapides : j'étais avantagé par la qualité des cours de mon Féca. Le choix du minéral était la tâche la plus complexe, entre nous.
Il gardait toujours cet air fier que j'aime secrètement chez lui : "
Ne fais pas ça comme ça. Plutôt de cette façon. " Mêlant les gestes aux paroles, il tendait le bras pour me montrer et je l'observais.
Je crois qu'il manque de confiance en lui, au fond... Il prétend être ennuyant. La réalité est telle qu'il ne remarque même pas son côté compétiteur qui nous pousse au meilleur de nous-même. Lorsqu'il m'embête, je prends un malin plaisir à le taquiner et c'est plutôt fastoche : il se prend au jeu.
À ce stade, j'ignore qui provoquait le plus l'autre. Et tout le monde le sait, il n'y a qu'un seul moyen de désigner le meilleur :
un concours. Une seule règle à ce jour : nous avions un mois pour nous préparer.
Jidelor, le 10 Martalo 646Le jour J.Les semaines qui suivirent étaient placées sous le signe de la taquinerie et de l'entraînement. Usagi se faisait fièrement appeler "
le roi du galet". Toutefois il finit par m'avouer, un soir où JE m'entraînais (parce que lui ne pratiquait pas beaucoup sa technique, il faut le dire) que cette histoire n'était que supercherie. Ses capacités étaient, malgré tout, très bonnes. Je le soupçonne de s'être entraîné en douce, de son côté : «
Usagi ne voulait pas dévoiler sa botte secrète… »
Nous nous étions retrouvés le 10 Martalo 646 en face d’Amaryllis. Après avoir enfilé notre tenue de gagnant, - à savoir : un bandeau propre à chacun -, nous démarrions vers les rivières Kawaii. Ce bout de tissu lui était seyant. Pour une fois qu'il ne portait pas de chapeau. C'est dommage qu'il s'évertue à cacher son corps de cette façon. Nous avions l'air de vrais professionnels du ricochet en symbiose avec la nature.
C'est Usagi qui instaura les premières règles : trois lancers chacun. Le galet qui ricoche le plus remporte la partie. Nous avions chacun droit à trois essais pour atteindre un score maximal. Usagi était au taquet ! Il avait déjà préparé ses cailloux. Quant à moi, j'avais prévu de les choisir sur le tas (Il me reproche de ne pas être assez organisé. C'est lui qui l'est en excès, oui ! Ce n'était qu'un jeu, après tout).
Pour corser les choses, j'ai ajouté deux règles.
> Chaque adversaire devait choisir la troisième pierre de l'autre.
> Le gagnant bénéficiait d'un vœu. J'aime les vœux et ça permettrait de stimuler la créativité de mon partenaire, en cas de victoire de sa part.
C'est moi qui ouvris le bal en suivant scrupuleusement les conseils qu'Usagi m'avait donnés un mois plus tôt. Mon corps tourné vers la rivière, les genoux fléchis, mon regard fixant la trajectoire future du galet, je le lançai, me permettant d'atteindre le score provisoire de 2.
Puis, ce fut à Usagi de tirer.
Il fléchissait le bras, galet vers l'arrière, levait une jambe pliée au niveau du genou et libéra le galet vers l'eau d'une vive extension. L'eau se creusa après le premier impact, puis forma un cône surmonté d'une gouttelette. Le galet ricocha deux fois avant de se noyer jusqu'au tréfonds de la rivière timidement éclairée par la lune.
Égalité !
Je devais donc m'appliquer davantage pour mon deuxième tir. Ma stratégie était identique qu'au premier lancer... Cependant, le galet coula sans même rebondir. C'était l'occasion pour Usagi de reprendre l'avantage qui eut la gentillesse d'esprit de ne pas commenter cet échec.
Il sélectionna un deuxième galet et visualisa la future trajectoire du caillou qui allait caresser la surface de la rivière. D'un mouvement sec de la main, il lança le galet qui profitait de l'élasticité de l'eau créée par son impact pour rebondir une deuxième fois.
Je n'avais plus qu'un seul essai. "
Tu vas perdre ton trône !", lui dis-je. C'était son galet que j'avais en main et j'avoue que je n'avais en rien envie de le lancer. Ce galet représentait quelque chose pour moi, puisqu'il venait de lui. Je lui confiai :"
C'est dommage de le jeter. Si je le gardais, je gagnerais quelque chose à coup sûr." Il se glissa alors derrière moi d'un pas décidé et m'entoura de ses gros bras avant d'admettre que lui non plus, ne souhaitait pas jeter mon galet dans le cours d'eau.
Grâce à la règle qu'Usagi avait lui-même fixée, ce n'était pas l'addition des scores de toutes les manches qui nous classait mais bien le score du meilleur lancer qui était de deux rebonds pour chacun d'entre nous. S'il m'avait laissé fixer les règles, il aurait remporté la victoire. Comme aucun de nous n'avait gagné, nous décidâmes de partager chacun un vœu.
Pour ma part, je lui demandai simplement qu'il me dicte un parchemin relatant ce qu'il ressentait pour moi. Nous nous écrivions souvent des lettres laissées au coin de la table de nuit.
Lui, déposa un genou au sol, fléchit l'autre et baissa la tête pour me faire sa demande. "
J'aimerais que tu travailles avec moi." me dit-il. "
Je te laisse du temps pour répondre, ce n'est pas à prendre à la légère. Tu travailles déjà et tu es à l'essai à la boutique Krosmaster". Sur le moment, je ne savais que faire de cela. Je préparais un évènement promotionnel pour cette enseigne le lendemain. Je dois avouer que le désir de bosser comme mercenaire était bien présent en moi depuis des semaines mais je ne m'en sentais pas capable.
Au final, ce fut le petit coup de pouce dont j'avais besoin pour oser franchir le pas. Je postulai dans les jours qui suivirent auprès de Lagan et aujourd'hui j'occupe le poste de jeune Nedora. Je fantasme sur une tutelle terminée qui ferait de moi un vrai mercenaire et ainsi exaucer son vœu.
Nemeo.