Le Clan de mercenaires de Nedora Riem (DOFUS - Orukam)
 
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 Javion - Entre Foi et Doute [Essai RP sur le changement de classe]

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Javion
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MessageSujet: Javion - Entre Foi et Doute [Essai RP sur le changement de classe]   Javion - Entre Foi et Doute [Essai RP sur le changement de classe] EmptyMar 15 Aoû 2023 - 18:25

Bonjour ! Petit disclaimer HRP avant la lecture ; ceci est un essai RP, celui de tenter de représenter la transition de la foi d'un disciple, ou son détournement. Ou, dit plus simplement, d'essayer de comprendre et de représenter le concept de changement de classe en RP.
Avis aux puristes, voyez ça davantage comme une fanfiction que comme une retranscription de séances roleplay. Cet écrit implique la présence et l'interaction directe de PNJs appartenant au lore d'Ankama. J'ai fait ce choix par souci de cohérence et d'immersion. En effet, les PNJs du temple Forgelance, par leur rôle et par la mentalité de ceux-ci, ne peuvent pas décemment être représentés comme inaccessibles dans un récit de ce genre, puisqu'ils participent activement à la formation des Forgelances et partagent leur quotidien. J'ai donc fait le choix de leur donner vie dans ce récit. Mais ceci contredit une règle fondamentale du RP, aussi, si ceci est dérangeant, ne voyez dans ce texte rien de canon IRP, ce ne sera de toute façon jamais un sujet d'interaction de ma part en jeu. Les paroles des personnages sont les miennes et non celles d'Ankama.

Ceci étant établi, bonne lecture !


Javion - Entre Foi et Doute [Essai RP sur le changement de classe] 24le

Un matin en Astrub

Le plancher grinça quand Javion se leva de sa couche. L’obscurité était reine dans la petite grange aménagée qu’occupait le disciple de Iop, ce qui ne l’empêchait pas de se vêtir et se déplacer sans hésitation dans son foyer de fortune. Il se mit à genoux devant une caisse retournée qui lui servait d’autel et adressa une prière à Iop, et une autre à Nedora, l’ancêtre fondatrice de son clan. Après quoi il enfila son tabard, empoigna son bouclier, se coiffa de son Clint et quitta le grenier à grains.

Un soleil fatigué peinait à se lever sur une Astrub plongée dans la brume, et nimbait la cité d’une lumière bleutée, filtrée par la chape de brouillard qui s’enroulait autour des murailles et persistait dans les ruelles tortueuses.
Mais la cité, elle, s’était levée bien avant le soleil. La Brune était doucement bercée par le roulis des charrettes, le claquement des auvents hissés et des étals installés ainsi que le pas des Astrubiens les plus matinaux, qui entamaient des conversations banales avec les premiers commerçants.
Cette atmosphère d’éveil de la ville, Javion la connaissait bien, et l’aimait particulièrement. Le disciple de Iop se levait tôt pour en profiter sur le chemin de son travail, c’était un de ces plaisirs simples qu’offrait une vie humble et équilibrée, et il s’en félicitait chaque jour.

La place du quartier général du clan Nedora Riem, son clan, était vide. Il était le premier arrivé, ce matin. Par des gestes façonnés par l’habitude, il déverrouilla la porte d’entrée, alluma un feu dans le hall et s’empara d’une liasse de contrats avant de sortir devant. Les griffes vaporeuses de la brume matinale s’accrochaient encore au branche des arbres et à l’eau du puits, mais le jour était enfin là. Le mercenaire prit une profonde inspiration, se délectant de la fraîcheur vivifiante de cette fin d’hiver, et entreprit de consulter la liasse de contrats qu’il tenait entre ses mains caleuses. Quel boulot allait-il effectuer aujourd’hui ?
Il allait s’arrêter sur un contrat de récolte quand du mouvement sur la place attira son attention.
- Les ennuis qui commencent, grommela-t-il en remarquant un attroupement de citoyens s’approcher en traînant des pieds.
Javion se redressa de toute sa hauteur. Son physique de géant avait souvent pour effet de calmer les velléités avant même qu’elles ne commencent. Il regarda le groupe qui n’était plus qu’à quelques kamètres de lui et qui, il le remarquait maintenant, était principalement composé de vieillards.
- Bonjour, commença-t-il de sa voix aussi impassible que son visage, que peut le clan Nedora Riem pour vous ?
Un vieil Eniripsa aux ailes racornies prit la parole :
- Il faut que vous interveniez, mercenaires. Ça ne peut plus durer ! On en a marre !
- D’accord, mais de quoi ?
- Des chevaliers !
Javion les regarda un moment qui parut durer une éternité.
- Pardon ? Quels chevaliers ?
- Eh bien, les chevaliers d’Astrub ! Ils nous harcèlent, ça ne peut plus durer, vous devez faire quelque chose.
Javion avait du mal à suivre. C’était bien la première fois qu’il entendait quelqu’un se plaindre des chevaliers d’Astrub. C’était le plus souvent l’inverse ; ce groupe de guerriers protecteurs de la cité étaient populaires auprès des citoyens astrubiens.
- Comment ça, ils vous harcèlent ?
- Ils sont partout dans les rues, ils nous accostent incessamment pour nous recruter !
- Vous recruter vous ? Vous êtes vraiment sûrs ?
Le crâne dégarni de l’Eniripsa s’empourpra.
- Pusique j’vous le dis ! Vous allez faire quelque chose, oui ou non ?
Javion se gratta la joue, signe de réflexion qui lui était coutumier.
- Vous contactez la milice pour ce genre de choses, d’habitude.
- Bah ! Eniripsa leur fasse pousser des champignons au mauvais endroit, à ceux-là. Les chevaliers ont le soutien du Conseil d’Astrub pour nous pourrir l’existence. C’est pour ça qu’on a besoin de vous, mercenaires !
- Si le Conseil a donné son aval, les actions de notre clan sont limitées… Je vais aller leur parler, peut-être que ça suffira.
Le vieil Enirispa parut soudain incertain. En se triturant les mains, il bredouilla :
- Quand vous dîtes « je vais leur parler », vous voulez dire qu’un autre mercenaire va leur parler, c’est ça ? C’est ça ?
Un grondement agacé monta du poitrail du mercenaire et le vieil homme se tassa sur lui-même. Il remercia Javion pour son aide et le groupe d’Astrubiens se dispersa.
Javion soupira. Certes, il n’était ni le plus éloquent, ni le plus diplomate du clan. La plupart de ses frères et sœurs de profession auraient été plus à l’aise que lui dans ce genre de mission, mais la curiosité l’emportait pour une fois. Il voulait savoir quel Moskito avait piqué les chevaliers. Il avait la ferme intention de converser avec eux pour en comprendre la cause et tenter de négocier leur retrait.
Et, s’il fallait en venir aux mains, ça n’en était que meilleur.

Le club des doyens en colère n’avait pas menti : les chevaliers étaient partout dans le centre-ville historique d’Astrub. Ils hélaient, racolaient, apostrophaient quiconque passait à proximité. L’un d’eux s’était même hissé sur l’estrade des annonces devant la statue de Brutas et braillait à qui voulait bien l’écouter. Ainsi qu’à ceux qui ne voulaient pas. Javion décida qu’il serait la cible de son interrogatoire. Il fendit la foule astrubienne jusqu’au pied de l’estrade et se racla la gorge.
- Excuse-moi bonhomme, on peut parler deux minutes ?
Mais le chevalier ne l’entendait pas, trop occupé à crier dans ses mains en porte-voix. Il poussa pourtant un cri de surprise quelque peu humiliant lorsque Javion, après l’avoir attrapé à la cheville, l’avait précipité au bas de l’estrade.
- Non mais ça ne va pas ? Vous auriez pu me blesser, vous êtes dingue ou quoi ?
- Bonjour à toi aussi. Dis, je peux savoir c’est quoi votre problème, à toi et tes copains ? J’ai des vieux à deux doigts de la syncope sur les bras à cause de votre cirque, depuis quand vous faîtes ça ?
- Depuis que nous en avons besoin, répliqua le chevalier encore vexé d’avoir été mis à terre, nous avons la bénédiction du Conseil pour…
- Mh-mh, formidable tout ça, le coupa Javion sans l’écouter, mais moi on m’a engagé pour que vous baissiez d’un ton, alors voilà ma proposition : soit ta bande de hurleuses en armure et toi vous retrouvez votre calme, soit je vous l’impose. Et crois-moi que me mettre à dos le Conseil ne me pose aucun problème. On s’est compris ?
Visiblement le chevalier n’avait pas compris car il éclata d’un rire rageur.
- Ne me fais pas rire ! Il y a longtemps que vous autres mercenaires n’avez plus d’influence sur Astrub, tout le monde sait que Fallanster vous a lâché, alors fais moi plaisir et recule. Même nous autres avons plus d’influence que vous.
La seconde suivant sa tirade, les deux hommes se retrouvèrent front contre front, poings et mâchoires serrées.
- Je vais organiser une rencontre entre mon poing et ton nez, tu vas voir s’il est pas influent.
- Vas-y, j’ai hâte de te voir jeté par la milice ! Si t’as un problème, t’as qu’à en parler à mes supérieurs, au moins tu les feras rire.
- Ah ouais ? Eh bien t’as raison, je vais faire ça tout de suite, prépare-toi à recevoir de nouveaux ordres, déclara Javion en s’écartant. Il fit un geste grossier au chevalier avant de s’éloigner d’un pas décidé.
Il revint très vite pour ajouter :
- Et c’est qui tes supérieurs, au juste ?
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MessageSujet: Re: Javion - Entre Foi et Doute [Essai RP sur le changement de classe]   Javion - Entre Foi et Doute [Essai RP sur le changement de classe] EmptyMar 15 Aoû 2023 - 18:53

Javion - Entre Foi et Doute [Essai RP sur le changement de classe] A7m2

Tempête sur les eaux noires

La proue du navire fendait les vagues noires de la mer d’Asse sous les assauts d’un vent capricieux.
Javion se tenait fermement au bastingage et fixait l’horizon. Les membres de l’équipage lui avaient conseillé de venir s’abriter dans la cale, mais il avait décliné l’offre. L’air marin chargé de gouttes, le roulis de l’eau contre le bois du navire, le claquement des voiles,.. Le disciple de Iop aimait trop ces sensations pour s’en priver. Rien ne sentait plus la liberté et l’aventure qu’un voyage en mer ! Une chance que cette « Albuera » que lui avait indiqué le chevalier d’Astrub fut une île. Il avait vaguement entendu parler de cet endroit mais, si ses contrats l’avaient mené dans bien des lieux du continent, il lui restait encore beaucoup à découvrir en ce vaste monde, et Albuera en faisait partie.
- Terre à l’horizon !
Au cri de la vigie, Javion plissa les yeux, mais il ne voyait rien, car un brouillard épais se posait sur la mer. Il fallut qu’il attende quelques minutes pour enfin discerner la masse sombre et haute de l’archipel.
- Enfin, souffla-t-il en jetant un regard empli de défiance à l'ombre colossale de l'île qui perçait à peine le brouillard.
- Tu n'aimes plus les voyages en mer, mouskaillon ?
Le capitaine du navire avait rejoint Javion sur le pont. C'était un vieux mulou de mer à l'air sévère et à la barbe fière. C'était aussi un vieil ami du mercenaire.
- Je suis pressé de retrouver la terre ferme parce que j'ai hâte d'en finir avec ce contrat, Vernus. Mais ne t'en fais pas, j'aime toujours voyager sur ton vieux rafiot.
Un rire étouffé secoua le vieux marin qui rétorqua :
- Tant mieux, parce qu'on est pas encore arrivés ! Les rivages de cet archipel sont traîtres, piqués de récifs hérissés comme une peau de Tourthon, et ce brouillard ne fait que pimenter les choses, héhé.
Comme pour ponctuer ses dires, une vague frappa violemment la coque et manqua de peu de jeter les deux compères par-dessus bord. Le capitaine étouffa un juron :
- ... Et v’là qu’la mer se réveille. Fais-moi plaisir et va t'accrocher quelque part, je sens que ça va secouer, mouskaillon.
Vernus avait vu juste. Les vagues se firent de plus en plus hautes et voraces. Le mât grinçait d’une sinistre façon sous les assauts d'un vent de plus en plus furieux.
- Levez les voiles, hurlait le capitaine. Par les fesses du roi Talas, remontez les voiles si vous ne voulez pas que ce fichu vent nous arrache le mât !
Mais les matelots n'étaient pas de taille contre la colère des éléments. Ils tiraient de toutes leurs forces sur les cordages mais la tempête poussait la voile à l'en déchirer. Il y eut un cri au travers du vacarme des vagues, et Javion vit la silhouette de la vigie tomber et disparaître, happée par les vagues.
- Homme à la mer, hurla-t-il en se précipitant vers le bastingage, mais un ordre de Vernus l'arrêta net :
- Je m'occupe de lui ! Les voiles d'abord !
Le disciple de Iop se joignit à l'équipage et tira comme un forcené sur les cordages. Sous leurs efforts conjugués, la voile commença à se replier. Les marins poussèrent des cris de victoire et de jurons de soulagement. Elle était presque entièrement remontée quand un affreux craquement résonna sur le pont...
Le mât cédait. Il se brisait !
Les cris de victoire se muèrent en hurlements de panique, et Vernus n'était visible nulle part. Javion hurla de toute la force de ses poumons :
- TOUS A VOS POSTES, SORTEZ CE NAVIRE DE LÀ !
Sans s'assurer que les hommes suivaient son ordre, il se jeta sur le mât qui chancelait inexorablement et l'enserra de ses bras. Ses muscles se bandèrent sous son tabard. Là où le mât s'était brisé, les éclats de bois lui lacéraient la peau et s'enfonçaient dans sa chair. Le sang se mêlait à la pluie battante en coulant sur le pont.
- Iop, prête moi ta force, rugissait-il. Donne-moi la Puissance !
D'abord hébétés par cet improbable spectacle, les marins retrouvèrent leur courage face à la vision de ce colosse qui retenait à bout de bras un mât de plus de cinq kamètres de haut en pleine tempête. Les cordages se tendirent, les seaux passèrent de main en main, et pendant un fol instant, la tempête sembla refluer face à la ténacité des navigateurs.
Dans son étreinte avec le mât, Javion luttait pour ne pas glisser sur le pont trempé ni céder à ses forces qui s'échappaient par flots sanglants de son ventre. Le front collé contre le bois, ses rugissements s'étaient faits murmures dans le vent.
- Allez Javion, tiens bon, bougre de Iop... Jusqu'au bout, tiens encore ! Je suis... Nedora dans le volcan, Nedora dans le volcan, Je suis Nedora dans...
Ses prières se fondirent en un énième rugissement. Dans un ultime effort, le disciple de Iop donna jusqu'à ses dernières forces. La magie de son dieu affluait en lui ! Son tabard se déchirait sous la pression de ses muscles ravivés, et le mât, malgré la rage de la tempête, retrouva son axe.
Vernus reparut à la barre du navire à ce moment-là, trempé et, lui aussi, en sang.
- Planches, tonna-t-il plus fort que l'orage. Planches ! Réparez la base ! Nous sortons de la tempête ! Tenez bon !
Javion ne voyait plus rien. La sueur, le sel et ses cheveux lui brouillaient la vue, mais il sentait autour de lui les matelots s'affairer et tenter tant bien que mal de clouer des planches au mât pour le maintenir. Eux aussi se démenaient comme jamais, et leurs efforts payèrent. Javion sentit la résistance refluer. Le navire était sauvé ! Le mercenaire détendit son corps entier, épuisé mais soulagé. Le pire était passé...
... Il regretta amèrement cette pensée. Un récif acéré, caché sous les vagues, perfora la coque et balafra le bateau dans toute sa longueur. Dans une spectaculaire explosion d'éclats de bois, tout le monde fut jeté par-dessus bord.
Javion perdit connaissance en heurtant les eaux noires.
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MessageSujet: Re: Javion - Entre Foi et Doute [Essai RP sur le changement de classe]   Javion - Entre Foi et Doute [Essai RP sur le changement de classe] EmptyMar 15 Aoû 2023 - 19:19

Javion - Entre Foi et Doute [Essai RP sur le changement de classe] Ct0p

Réveil douloureux en terre inconnue

Le disciple de Iop se réveilla avec la sensation qu'une enclume était posée sur sa tête. Il se redressa sur ses coudes en poussant un grognement de douleur et dut patienter quelques minutes pour que la tête ne lui tourne plus et que sa vue brouillée retrouve sa netteté. Il était étendu sur un lit rustique, seulement couvert d'un drap. On l'avait dévêtu et pansé partout où c'était nécessaire; c'est-à-dire partout. Il grimaça en constatant le piteux état de son corps et chercha des yeux ses vêtements.
Il se trouvait à l'intérieur d'une cabane ou d'un chalet, tout en bois et en rondins. La pièce, plutôt sombre, était éclairée par la lumière froide du jour, qui filtrait à travers deux fenêtres. Un grognement plus tard, le mercenaire s'asseyait tant bien que mal sur le bord du lit et un autre encore après, il était débout et chancelant. Il s'empara de ses vêtements posés sur une chaise et eut toutes les peines du monde à s'habiller.
- Dans quel état tu t'es mis, soupira-t-il pour lui-même. C'est du beau ça, mon vieux.
Une fois vêtu, il marcha en grimaçant jusqu'à la porte et, après une seconde d'hésitation, emprunta un des nombreux bâtons de marche qui reposaient près de l'entrée.
- Quelle honte. Ah, si mon maître me voyait...
Il poussa la porte et s'aventura à l'extérieur.
Il ne connaissait pas ce paysage. La roche moussue, les hauts pins noirs aux cimes capuchonnées de neige, même la teinte du ciel lui était étrangère. Au pied des arbres et des rochers, la fumée des foyers s'échappait des petits chalets regroupés autour d'une place de fortune, sur laquelle des hommes et des femmes s'affairaient, tantôt avec des planches sur l'épaule, tantôt poussant des brouette et tenant la main à des enfants emmitouflés dans des manteaux de peau et de laine. Deux hommes bavardaient calmement devant un puits trop propre. Le plus trapu des deux remarqua Javion et écarta les bras pour le saluer :
- Regardez qui tient déjà debout ! C'est pas croyable. Ça me fait mal de dire ça, mais tu peux remercier tes dieux de t'avoir donner la constitution d'un Buffalourd, mon gars, haha !
- Où est-ce que j'ai atterri, marmonna Javion tandis que le bonhomme au cache-oeil s'approchait.
- Tu as atterri, c'est déjà un miracle dont tu peux t'estimer heureux, dit-il en lui tendant une main caleuse. Bienvenue à Albuera !
S'appuyant sur le bâton de marche, Javion serra la main de l'homme.
- Judeau, médecin de la colonie, se présenta-t-il. Dis donc, on a bien cru que tu nous prenais un aller simple pour le Pays Gris, j'ai jamais trouvé autant de blessures sur un seul homme. Une chance que Hjordïs ait entendu ton bateau s'écraser. Je te dirais bien d'aller te recoucher si tu veux guérir, mais tu m'as pas l'air d'être du genre raisonnable, hoho.
- Où sont les autres, l'interrompit Javion. Sur le bateau, il y en avait d'autres. Où sont-ils ? Vous avez pu les trouver ?
- Du calme, du calme. On a fait ce qu'on a pu, tu as ma parole, mais votre naufrage était vraiment... Enfin, c’était quelque chose, quoi. On a trouvé cinq d'entre vous échoués sur la plage. Malheureusement, deux d'entre eux n'ont pas eu ta chance, je suis désolé. C'était trop tard quand on est arrivés.
Javion serra les dents. Une sourde angoisse commença à s'installer dans le creux son estomac.
- Et les autres ? Où sont-ils ?
- Chez mon voisin, qui a eu la gentillesse de céder son matelas et celui de ses bambins. Ils sont hors de danger, mais ils sont pas près de quitter leur lit de sitôt.
L'angoisse grandissait à mesure que le médecin parlait. Il fit un pas vers la cabane voisine. Un second, et un troisième. Avant qu'il ne termine sa foulée, des étoiles dansèrent devant ses yeux et il tomba à genoux en laissant échapper un juron douloureux.
Judeau posa une grosse main sur son épaule :
- Tu veux peut-être que j'te porte sur mon dos ?
Incapable de marcher sans risquer l'évanouissement, Javion fut contraint d'accepter le soutien de Judeau et de s'appuyer sur les larges épaules du docteur à la barbe épaisse. Il l'emmena voir les deux autres blessés et le mercenaire bénit les Douze en voyant que Vernus avait survécu.
- Rassuré, demanda Judeau. Sacrée Karne aussi, ce vieux bonhomme. J’imagine que c’est ça qu’ils appellent la force de l’âge ! Son état est pire que le tiens, j’en ai peur, mais il vivra, c’est promis.
Le docteur l’emmena ensuite vers ce qu'il appelait "la seconde infirmerie" : l'hydromiellerie. En chemin, les colons leur jetaient des regards curieux, s'arrêtaient même parfois pour les observer. Javion leur rendait bien leur regard, car eux-même attisaient la curiosité du disciple de Iop. C'était des hommes et des femmes tout à fait normaux dans leur apparence, mais leur attitude lui était bien moins familière. Certains parlaient et riaient, mais la grande majorité s'attelaient à leur tâche quelle qu'elle fut, souvent physique et manuelle. Ils marchaient vite et travaillaient efficacement, qu'ils fussent des enfants ou bien des doyens. Tous œuvraient sans paraître se soucier du froid ni de l'usure.
L'ambiance changea quand Judeau l'entraîna à l'intérieur de l'hydromiellerie. Javion fut envahi par la clameur de conversations animées et le bruit de chopes entrechoquées. De nombreux albuerans profitaient de leur pause en buvant et en bavardant. Certains jouaient aux dés, d'autres s'affrontaient au bras-de-fer et riaient. Judeau installa Javion à une table, près d'un énorme four rond en terre cuite qui trônait au centre de la taverne.
- Attends-moi là mon gars, je nous ramène de quoi te soigner le corps et l'esprit.
Le médecin revint très vite avec deux chopes.
- Je te préviens, c'est pas la pikouze qu'on boit sur le continent, alors vas-y doucement sur la descente.
- Mh, se contenta de grogner Javion en tirant la chope vers lui.
Le mercenaire avait trinqué avec les Nimbos du clan Martegel et fabriqué son propre hydromel, ce médecin n’allait pas lui apprendre à boire aujourd’hui. Le Iop observa la couleur ambrée du breuvage un instant, le huma avant d'en prendre une généreuse rasade.
Ce n'était effectivement pas l'alcool le plus fort qu'il eût goûté, loin s'en fallait, et s'il n'arrivait pas à la cheville de la Boutflamme des Nedora, il était très bien équilibré, et l'arrière-goût qui s'étirait sur la langue attestait du soin de sa mise en fût. Sucré mais pas trop, amer mais pas trop, doré à souhait... Javion devait le reconnaître, cet hydromiel était un nectar. Une élogieuse analyse qu'il finit par partager à Judeau en ces termes :
- Mh, pas mal.
L'albueran rit franchement et reposant sa propre chope.
- Ahah, t'as pas l'air d'un gaillard facile à satisfaire, toi ! Alors, qu'est-ce que t'en penses de notre Albuera ? Elle te plaît, notre petite colonie ?
Javion glissa à nouveau son regard sur l'ensemble de la taverne avant de répondre. Il n'entendait personne pleurer, personne se plaindre. Tous les hommes et toutes les femmes qui se trouvaient ici avaient la carrure de guerriers, à se démener pour leur travail. Ils semblaient s'épanouir docilement dans leur vie rude et simple, et ce fait charmait Javion. La qualité de l'hydromiel jouait certainement un peu en leur faveur, également.
- Je n'en ai pas vu grand-chose pour le moment, répondit-il cependant. Mais vous m'avez sauvé la vie alors... J'ai une dette envers toi et tous ces gens. Merci de m'avoir soigné, mh.
- C'est un plaisir d'avoir pu maintenir en vie un gaillard de ta trempe. Si on pouvait en avoir dix comme toi, Albuera serait déjà une cité rutilante, ha ! Qu'est-ce que tu comptes faire, maintenant, mon brave ?
- Ce pour quoi je suis venu. Je vais me rendre chez ces Forgelances et leur dire une ou deux petites choses. Quand penses-tu que je serai remis ?
Judeau caressa sa barbe en grimaçant :
-Vu ton état, au moins... Allez, deux ou trois semaines. Pas avant, ça c’est sûr.
- Je partirai dans trois jours.
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MessageSujet: Re: Javion - Entre Foi et Doute [Essai RP sur le changement de classe]   Javion - Entre Foi et Doute [Essai RP sur le changement de classe] EmptyMar 15 Aoû 2023 - 21:14

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Du feu dans la neige


Le matin du troisième jour, Javion quitta Albuera. Drapé d'une fourrure épaisse et s'appuyant sur le bâton de marche que lui avait offert le docteur de la colonie, il se mit en route à travers la forêt de pins qui nappait le versant de la montagne. Ses blessures, pas encore guéries, lui imposaient un rythme lent, mais son pas demeurait sûr. Le mercenaire estimait avoir assez tardé sur ce contrat et n'avait qu'une hâte : rentrer en Astrub, retrouver sa grange, ses Bouftous, et son clan. Pour autant, il ne pouvait s'empêcher d'apprécier le paysage de l'île. Quand il croisa la route d'un torrent grondant, il s'y abreuva et s'autorisa une pause sur un rocher humide que les flots mugissants éclaboussaient constamment. Il ne s'arrêta pas à cause de la fatigue, mais pour profiter de la vue des pins vénérables qui chatouillaient le ciel, des montagnes escarpées, de l'air pur, ... En haut d'un pic, la forme étrange du temple se dessinait dans la brume et la neige. C'était sa destination.
Le mercenaire se remit en route.

Il lui fallut une journée entière pour effectuer le chemin jusqu'au sommet. Le soleil achevait sa course derrière les silhouettes acérées des conifères quand le temple fut en vue. Javion souffla de soulagement. Enfin ! Plus que quelques marches et c'en était fini de la balade forcée.
- J'espère qu'ils ont un...
- Halte ! Pas un pas de plus !
L'énergumène qui lui barrait soudain la route, le surplombant du haut des marches, était un type en armure et au crâne rasé à l'exception d'une grande crête rouge. Il menaçait Javion de la pointe d'une imposante lance noire. Son regard cerclé de noir ne laissait aucune place au doute : le mercenaire n'était pas le bienvenu.
- Mon nom est Javion, du clan Nedora Riem. Je viens parler au...
- J'ai dit, halte ! Pas un pas de plus étranger, c'est mon dernier avertissement !
Javion fronça les sourcils. Il n'aimait pas qu'on lui donne des ordres, il n'avait jamais aimé ça. C'était sa nature profonde qui l'empêchait de s'arrêter. Il continua de gravir les marches colossales qui le séparaient du garde.
- Paix, je ne cherche pas à me battre, répliqua calmement le disciple de Iop. Je veux juste...
- Je t'ai prévenu !
Le garde bondit du haut des marches en poussant un rugissement ! Javion ne dut qu'à ses réflexes de guerrier pour éviter l'impact en sautant en arrière. Il se pencha légèrement sur le côté pour éviter la pointe de la lance qui aurait dû lui transpercer l'oeil. Laissant échapper un grognement d'agacement, le Iop empoigna la lance à deux mains pour l'arracher des mains de son propriétaire.
Il n'en eut pas l'occasion.
Le fer de la lance vira au rouge incandescent et de la fumée s'échappa entre ses doigts.
- Vertubl-.. !
Il lâcha l'arme et souffla sur ses paumes brûlées. Le lancier poussa un rire sauvage et brandit à nouveau sa lance.
Ouverture. Javion la saisit.
Non sans douleur, il referma son poing et frappa son adversaire dans le creux de l'estomac.
Le souffle coupé, son ennemi lâcha son arme et se vit projeté dans les marches.
- Tu l'as pas volée, celle-là, souffla Javion.
Il allait ramasser la lance quand celle-ci se mit à trembler au sol. La surprise lui fit marquer un temps d'hésitation, et soudain la lance fendit l'air en vrombissant pour revenir dans les mains de son propriétaire.
- Qu'est-ce que c'est que ce bazar, s'indigna le Iop.
Le garde lui, un genou à terre, cherchant encore à retrouver son souffle, esquissa un sourire cruel. Empoignant la hampe de sa lance à deux mains, il la brandit au dessus de sa tête et l'abattit devant lui. L'arme se planta dans la roche sur plusieurs dizaines de centikamètres. Le guerrier prononça des mots que Javion ne comprit pas, et la lance rougeoya à nouveau. Après quelques secondes de flottement... Le sol se craquela. Le fissures partaient de la lance, couraient sur les rochers, fracturaient les marches de pierre et de bois, laissaient des fentes béantes entre les deux combattants. Il y eut un grondement sourd, comme un roulement de tonnerre. Comme si l'orage venait des entrailles de la terre... Et tout explosa.
Des geysers de lave bouillonnante jaillirent des fissures, dévastant les marches et les alentours !
- Par le sang de mes ancêtres, Iop, gronda Javion entre ses dents, fais un rempart de ma vertu, je vais en avoir besoin !
La pierre se brisa autour du Iop, et la lave rugit autour de lui en une vague calcinante qui le submergea.
Le protecteur du temple arracha sa lance du sol, un sourire satisfait sur les lèvres. La lave refluait et laissait derrière elle un triste spectacle détruit et noirci, mais au moins, c'en était fini de l'étranger. Il allait s'en retourner au temple quand un mouvement au coin de son oeil retint son attention. Il plissa les yeux... avant de les écarquiller.
C'était impossible !
A grand-peine, la carcasse de géant de l'étranger se soulevait hors du tas de suie dont le disciple de Iop était recouvert. L'espace d'une seconde, une aura bleutée sembla grésiller autour de lui, mais elle n'était déjà plus qu'un souvenir.
- Je...
- Par les foudres de Jormün, tu en veux encore ?!
- Je... suis Javion et... et je viens parler au chef des..
- Cette fois je vais te jeter au bas de la montagne, truand, cracha le garde brandissant à nouveau sa lance.
- Assez !
L'injonction avait tonné dans le dos du lancier. Javion, soufflant comme une forge, discerna cinq silhouettes derrière son adversaire. C'était la plus grande d'entre elle qui s'exprimait.
- Qu'est-ce que tout cela signifie ? Fulgurdr, explique-moi ce qui se passe ici !
Le guerrier à la crête flamboyante pointa Javion d'un doigt accusateur :
- Cet individu a tenté de forcer le passage jusqu'à notre temple ! Je l'ai ...
- Forcer le passage, gronda la silhouette de sa voix de stentor. Depuis quand l'accès au temple de la Lance Originelle est-il restreint ? Nos portes sont ouvertes à tous les pèlerins, alors explique-moi, je te prie, ce que vous fabriquiez tous les deux à ravager notre seuil.
- Mais il refusait de révéler les raisons de sa venue, et il a agi de manière très...
- Il suffit ! Les raisons d'un homme ne regardent que lui. C'est mon dernier rappel, Fulgurdr.
Et avant que le dénommé Fulgurdr ne réplique, il ajouta :
- Venez, voyageur. Il se fait tard, partageons un repas, et ensuite nous pourrons discuter de ce qui vous pousse à vous battre devant notre temple.
Comme si tout était dit, les cinq silhouettes rentrèrent à l'intérieur du temple. Fulgurdr les suivit en pestant, non sans jeter à Javion un regard assassin. Le mercenaire l'ignora. Il retrouva le bâton de marche que le médecin lui avait offert et emboîta le pas de ses hôtes d'un pas lent. Certaines de ses blessures s'étaient rouvertes et maintenant que l’adrénaline retombait, c'était sa dignité qui le maintenait encore debout.
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MessageSujet: Re: Javion - Entre Foi et Doute [Essai RP sur le changement de classe]   Javion - Entre Foi et Doute [Essai RP sur le changement de classe] EmptyJeu 17 Aoû 2023 - 6:59

De longues tables garnies de victuailles avaient été installées dans le vaste hall du temple Forgelance, et les barriques d'hydromiel percées laissaient l'alcool albueran couler à flots. Un grand nombre de Forgelances se joignaient au banquet et le temple devint le théâtre d'une bruyante soirée de retrouvailles pour bon nombre d'entre eux. Javion était assis à côté des Forgelances qui l'avaient invité. Le plus grand d'entre eux, un colosse en armure plus massif encore que lui, s'installa en bout de table et se présenta d'une voix forte :
- Bienvenue dans le temple des Forgelances, pèlerin. Je suis Lenicar d'Albuera. C'est moi qui suis responsable de guider les voyageurs et les nouvelles recrues, ainsi que de la tenue de ce lieu sacré. Voici Nascherite, notre révérée doyenne, et ici Hyurianger, l'un de nos plus éminents chasseurs de sagas et le gardien des archives de notre héritage. Et bien sûr, tu as fait la connaissance de Fulgurdr...
Quelques rires s'élevèrent autour de la table. Lenicar poursuivit les présentations sans que Javion n'en retienne la moitié, avant de demander :
- Et toi, qui es-tu, étranger ?
- Je suis Javion, maître d'armes et mercenaire du clan Nedora Riem.
Une curieuse lueur passa dans le regard de Lenicar, mais celui-ci ne fit aucun commentaire.
- Dans ce cas je le redis, Javion du clan Nedora Riem, bienvenue ! Mange, bois, repose toi si tu le souhaites. Le temple t'accueille autant que tu le voudras.
Ils festoyèrent, mangèrent, bavardèrent pendant un bon moment. Javion, malgré sa hâte d'en venir aux choses sérieuses, devait admettre qu'il appréciait l'ambiance. Les guerriers attablés parlaient fort, riaient, racontaient leurs dernières aventures,.. Il fut cependant tiré de sa rêverie en remarquant que Lenicar s'était tu et l'observait, le dos rejeté en arrière sur sa chaise. Quand leurs regards se croisèrent, il posa sa chope sur la table et demanda :
- C'est un long voyage que tu as fait pour venir jusqu'ici, Javion des Nedora Riem, et je pressens que ce n'était pas sans raison. Alors dis-moi, que peuvent faire les Forgelances pour toi ?
- C'est un contrat posé par le peuple astrubien qui m'amène ici. Par ce contrat, je viens vous demander de passer le mot à vos chevaliers d'Astrub de faire profil bas. Depuis quelques temps, vos copains harcèlent les citadins et les voyageurs qui passent par là pour les catapulter ici. Il faut que ça cesse, vos gars sont à un fil de provoquer des émeutes dans toute la ville.
Lenicar joignit ses mains sous sa moustache sans quitter Javion des yeux.
- C'est regrettable, admit-il. Mais ils ne le font pas sans raison. L'enjeu en vaut largement quelques désagréments citadins. De plus, il te faut comprendre que les Forgelances forgent leurs vies et font leurs choix comme ils l'entendent. Je n'ai pas d'autorité sur mes confrères. Les chevaliers d'Astrub ont fait le choix de se mettre sous les ordres d'Yvain, c'est à lui que tu aurais dû t'adresser.
- Sauf qu'il est certainement à l'origine de ce phénomène et qu'il a le soutien du conseil de la cité.
- Si le conseil a donné son aval, je ne comprends pas bien ce qui te pose problème. N'êtes-vous pas en bons termes avec la gouvernance d'Astrub, mercenaire ?
Javion sentait ses mâchoires se serrer. Cette conversation prenait une tournure désagréable et sa patience s'amenuisait dangereusement.
- Nous sommes en bons termes avec le conseil d'Astrub, mais nous ne travaillons pas pour eux, ni sous leurs ordres, ni dans leurs intérêts. Les habitants sont venus nous déposer un contrat, et nous avons jugé la requête légitime. Si le conseil n'est pas du même avis, c'est tant pis.
La bonhommie chaleureuse qui animait Lenicar s'était estompée des traits de son visage, et Javion devinait désormais très clairement l'homme calculateur qui lui faisait face.
- Donc, articula le Forgelance, tu souhaites que j'affronte le conseil d'une cité que je connais à peine parce que tu as peur de les confronter toi-même ?
Javion se leva instinctivement, renversant sa chaise dans son élan.
Peur ?! Mais pour qui se prenait ce vieux rustre mal coiffé ?
En face de lui, Fulgurdr s'était aussi levé vivement. Une flamme pugnace dansait dans ses yeux. Tous les regards de la tablée convergèrent vers eux et le brouhaha des discussions s'éteignit. La tension redescendit quand Lenicar éclata d'un rire puissant et leva les mains en signe de paix.
- Allons, allons ! Pas de mauvais sang, camarades ! Je ne voulais pas t'offenser personnellement, mercenaire Javion, je te prie de pardonner ma maladresse.
Les deux guerriers se toisèrent encore quelques secondes avant de se rasseoir.
-Comprends malgré tout, reprit Lenicar, que je ne peux me résoudre à accéder à ta requête. Je ne peux pas m'empêcher de penser que l'inconfort de quelques anciens astrubiens n'est pas un prix cher payé face à l'importance de notre mission.
- Et moi je ne vois pas en quoi votre mission a la moindre importance face au bien-être de mes clients, asséna Javion.
Le colosse Forgelance souffla du nez en passant une main sur sa barbe. Il allait répliquer quand Nascherite, la Nimbos assise entre Fulgurdr et lui, posa une petite main ferme sur son bras.
- Tu pourrais passer des heures à essayer de le convaincre, mais notre ninvité a l'air d'un homme d'actes. Et si on le laissait vivre parmi nous quelques jours ? Quand il aura vécu dans nos bottes et appréhendé les convictions qui nous animent, alors il pourra décider ce qui est le plus nimportant.
Javion, qui n'avait que trop envie de rentrer chez lui, allait décliner la proposition, mais Fulgurdr fut le premier à réagir sur un ton plein de défiance :
- S'il tient deux jours, ce sera un mirac-
- J'accepte.
Les mots s'étaient échappés de la bouche de Javion avant qu'il ne les pense. Son honneur de Iop s'était exprimé à travers lui, et un disciple de Iop ne recule jamais face à un défi. Et si ces majorettes à crête pensaient leur quotidien plus éprouvant que les entraînements du temple Iop ou que ce qu'il avait vécu lors de son ermitage forcé dans la toundra frigostienne, ils se fourraient leur lance dans l'oeil.
- Alors c'est entendu, tonna Lenicar. Qu'on lui prépare une couche pour les jours à venir ! Nous sommes ravis de t'accueillir, mercenaire Javion. L'un des nôtres te servira de guide pendant ton séjour...Tiens, pourquoi pas toi, Fulgurdr.
- C'est une plaisanterie, s'indigna le Forgelance à la chevelure écarlate.
- Non, ce n'est pas une plaisanterie, c'est un ordre. Après tout, ça ne bousculera pas tes plans, comme tu es consigné dans le temple.
Le visage de Fulgurdr vira au même rouge que sa crête mais, forcé de se soumettre, il baissa la tête non sans jeter un regard furieux à Javion.
- C'est donc décidé, conclut Lenicar. Demain, notre invité découvrira ce que signifie être un Forgelance, et ce pourquoi nous nous battons. Vous tous, amis, frères et soeurs, faîtes de votre mieux et écrivez votre légende !
Dans un même ensemble, tous les Forgelances attablés se levèrent, tendirent leurs chopes vers le ciel et rugirent leurs acclamations. Javion était resté assis, immuable en apparence comme toujours.
Mais en son for intérieur, et sans qu'il sache pourquoi, ses entrailles avaient rugi à l'unisson avec les hommes et les femmes qui l'entourait.

Le lendemain, Fulgurdr se leva avant le jour. Il se rendit à la chambre improvisée de Javion. Ce gros lard allait voir double en se faisant lever aux aurores, mais ça lui ferait les pieds ! Les citadins du continent n'étaient sans doute pas habitués au rythme que lui, Fulgurdr, s'imposait depuis des décennies. Il inspira, ouvrit la porte à la volée et s'époumona :
- Allez la Domoizelle au bois dormant, on émerge et que ça... Mais où est-ce qu'il est passé cet empaffé ?
Javion n'était visiblement déjà plus là, sa chambre était vide.
Fulgurdr gagna le hall du temple, un sourire goguenard fiché sur les lèvres. Il vint à la rencontre de deux confrères assis sur un banc, occupés à nettoyer de l'équipement.
- Eh les gars, on dirait que le gros astrubien a déjà abandonné, ahah ! Bon débarras... Pourquoi vous faîtes ces têtes ?
Ses comparses demeuraient interdits tout en jetant des coups d'oeil sur leur gauche. Fulgurdr suivit leur regard pour voir Javion adossé à un pilier, qui l'observait de son regard blanc tout en nouant un tissu autour du bâton offert par le médecin d'Albuera. Le mercenaire prit la parole, de son ton monocorde dépourvu d'une quelconque émotion :
- Je me demandais quand tu allais te réveiller alors j'ai préféré attendre ici pour discuter avec d'autres.
Le Forgelance fulminait, et ses confrères qui se pliaient de rire achevèrent de lui faire monter le feu aux joues.
- C'est ça, grogna-t-il. Viens par là, je te fais visiter...
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MessageSujet: Re: Javion - Entre Foi et Doute [Essai RP sur le changement de classe]   Javion - Entre Foi et Doute [Essai RP sur le changement de classe] EmptyJeu 17 Aoû 2023 - 7:25

Javion - Entre Foi et Doute [Essai RP sur le changement de classe] 4m59

Gloire et immortalité



"Chers Nedora, mes frères et sœurs de clan,
Pour honorer un contrat, je dois m’absenter plus que de coutume. J’ai passé un accord avec les Forgelances. Ils acceptent de calmer leurs démarches sur Astrub si je passe du temps dans leurs bottes, et que j’estime leurs actions justifiées ou pas.
Prenez soin d’Amaryllis et de vous,

Que Nedora vous garde,
Javion.”

Et les jours passèrent. Quand il n’allait pas voir le capitaine Vernus qui se remettait difficilement du naufrage, Javion accompagnait les Forgelances dans leur quotidien, leurs missions, leur vie au temple. La plupart d’entre eux n’y restaient d’ailleurs pas, ils allaient et venaient entre deux aventures, mais Javion commençait à reconnaître les têtes les plus régulières et se joignait à la camaraderie générale. Fulgurdr, lui, s’était autoproclamé son rival. Le disciple de Iop n’avait aucune animosité envers le Forgelance, mais celui-ci s’était mis en tête de prouver la supériorité de son groupe, pour une raison qui échappait au mercenaire. Un jour cependant, Fulgurdr vint à lui sans intentions belliqueuses.
- Tu t’es entraîné avec nous, tu as chassé, travaillé, mangé et bu en notre compagnie. Il est temps que je t’emmène à la bibliothèque.
Si la déclaration surprit Javion, il n’en montra rien et se contenta de l’interroger alors qu’il quittaient le temple pour emprunter les marches rocheuses -qui ne présentaient plus une trace de leur première rencontre- qui descendaient la montagne :
- Qu’est-ce qu’il y a, là-bas ?
- Des livres, crétin. Tu sais lire, au moins ? Il paraît que les Iops sont illettrés.
- Je sais lire, et bientôt tout le monde pour lire la signature de ma main dans ta figure. Pourquoi tu veux m’emmener là-bas ?
- Pour que tu comprennes ce que nous aspirons à devenir. Dis moi, il y a des gens qui t’inspirent dans ton entourage ? Des gens que tu suivrais jusqu’aux portes de la Shukrute ?
- Il y en a, oui. Mes frères et sœurs de clan, bien sûr. Nedora Riem elle-même m’inspire chaque jour.
- Et Iop ?
- Mh ?
- Qui t’inspire. Non ?
- Oui, Iop aussi. Évidemment. Mh.
Une ombre passa dans le regard de Fulgurdr.
- Au fond tu fais le malin, mais t’es pas différent de nous autres.
- Pourquoi tu dis ça ?
- Oh, tu vas bientôt comprendre. La bibliothèque est juste là.
En effet, en contrebas du chemin à bord de falaise, un toit d’ardoise sombre émergeait entre les hauts pins.
- Tu vas voir, c’est quelque chose, souffla Fulgurdr alors qu’ils atteignaient le bâtiment ancien, au toit si long qu’il ressemblait à un livre à demi-ouvert, tombé d’une étagère céleste sur le monde. Ils y entrèrent et Javion ne put s’empêcher de ressentir une pointe de déception. Elle n’était pas bien grande et peu éclairée, malgré ce qu’en vantait Fulgurdr. Ce bougre n’avait-il jamais visité d’autre bibliothèque ? Même celle d’Aisling faisait trois fois sa taille.
- Je te fiche un boulet au pied, Hyurianger, scanda le Forgelance en s’avançant dans la bibliothèque.
- Plaît-il ?
Assis à un bureau, un homme d’un âge avancé leva la tête vers eux. Les arcades sourcilières de Javion se rejoignirent dans sa perplexité. Cet homme jurait avec le profil habituel des Forgelances. Les yeux cerclés de petites lunettes rondes, une moustache fine et soignée, des vêtements plus adaptés à un noble ou un troubadour qu’à un guerrier,.. Cet Albueran était-il aussi un Forgelance ?
Fulgurdr, en donnant un tape derrière l’épaule du mercenaire, le présenta :
- C’est le type qui veut nous connaître, tu sais, pour se permettre de nous juger après. Je le laisse entre tes mains, tu pourras lui raconter ce que tu sais. Salut !
Et le Forgelance s’éclipsa en un éclair, trop heureux de se débarrasser de son fardeau. Javion s’avança sans se formaliser de son comportement.
- Javion du clan Nedora Riem, mercenaire. Je ne viens critiquer personne.
- Nedora Riem, huh, fit l’Albueran en se levant. Sacré personnage ! Alors comme ça, vous voulez en savoir plus sur nous ? C’est vaste. Nous aurions beaucoup à nous dire. Que diriez-vous d’une visite ?
- Oui, si vous... Attendez, vous connaissez Nedora ?
Une lueur brilla derrière les lunettes de Hyurianger.
- Suivez-moi.
Il l’entraîna dans un escalier sombre et tordu dissimulé sous une vulgaire trappe. Il semblait plonger dans la terre à l’infini, aussi Hyurianger commença à parler pour briser le silence alors qu’ils s’enfonçaient tous deux dans les profondeurs :
- L’histoire de notre ordre remonte à des âges immémoriaux. Des générations de Forgelances se sont succédées sur cette montagne par centaines afin de nous préparer au terrible futur qui nous attend, et chacun d’entre nous a pris soin d’inscrire son nom dans notre héritage. Mon travail, en tant que chasseur de sagas, est de conserver le souvenirs de ces milliers d’âmse qui nous ont forgé, afin que leurs efforts perdurent à travers nous. Tu as passé un peu de temps avec nous, maintenant. Devines-tu quelle est notre quête personnelle ? Notre objectif ultime ?
- La gloire, hasarda-t-il pendant que le Forgelance à moustache tournait une vieille clé dans la serrure d’une porte qui se trouvait au bas de l’escalier.
- Oh, tu n’as pas tort ! Nous recherchons indéniablement la gloire. Mais ce n’est qu’un outil pour assouvir notre véritable but.
- Mh, et c’est quoi alors, ce but ?
La serrure cliqueta et Hyurianger ouvrit la porte en lui soufflant :
- L’immortalité.
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MessageSujet: Re: Javion - Entre Foi et Doute [Essai RP sur le changement de classe]   Javion - Entre Foi et Doute [Essai RP sur le changement de classe] EmptyJeu 17 Aoû 2023 - 7:36

Héritage et avenir



Javion poussa un sifflement.
- Vous cachez bien votre jeu.
Sous la modeste bibliothèque s’étendait une époustouflante salle souterraine sillonnée d’étagères pleines à craquer de livres qui s’élevaient jusqu’au plafond. Une collection si massive qu’elle rivalisait sans peine avec le sanctuaire de l’Almanax, estima le mercenaire. La voix de Hyurianger résonna comme dans un temple :
-Chaque ouvrage, chaque page, chaque mot en ce lieu est dédié aux héros du Monde des Douze, de toute échelle et de toute provenance. Tout est gravé dans le papier : leurs exploits, leurs victoires, leurs erreurs, leurs méfaits,.. Contemplez ici, mercenaire, l’Histoire de notre monde à travers les yeux et dans les pas de ceux qui l’ont foulé et façonné.
- C’est impressionnant. Mais sûrement un sacré bazar pour s’y retrouver.
- Pas du tout, rétorqua l’archiviste. Ils sont classés de manière parfaitement claire ! Par époque, puis localisation géographique, puis par thème moral, et enfin par ordre alphabétique. Simplissime. Je vous laisse visiter un instant, j’ai des choses à régler absolument.
Avant que Javion n’ait pu dire quoi que ce soit, Hyurianger s’était éclipsé derrière des étagères.
Le mercenaire se promena entre les allées de livres au hasard, lisant distraitement quelques titres sur des tranches poussiéreuses. Un hasard particulièrement fortuit, car ses pas le menèrent dans la section “Premier siècle”.
Astrub.
Lettre R.
Le coeur de Javion manqua un battement. Il était là, devant lui.
Riem, Nedora. Dans l’Ombre de son sang.
Les mains moites, le mercenaire s’empara du recueil de la copie de ce texte qu’il avait lu et relu des centaines de fois, et qu’il ne pensait jamais voir ailleurs que dans son temple à lui. La fierté se mêlait à la jalousie. Son cœur battait la chamade. Il feuilleta l’ouvrage, appréciant la fidélité de la copie vis-à-vis du texte original. Il se mit à rire doucement en relisant certains passages.
- Surpris ?
Hyurianger s’était approché furtivement et souriait finement sous sa moustache. Le mercenaire ne broncha pas, son regard blanc toujours tourné vers le livre.
- Un peu. Je ne pensais pas que des copies existaient. Surtout de celui-là. Il était banni.
- Il n’a pas été aisé de trouver cette copie, c’est certain. Mais je vous ai dit que tous les héros qui ont marqué le monde se retrouvaient ici. Votre fondatrice ne fait pas exception. C’est même une lecture assez populaire, ici.
- Un comble, car tout est faux dans ce texte, répondit Javion en replaçant le livre.
Hyurianger marqua un temps de surprise face à cette déclaration, mais se reprit très vite :
- Ca n’en reste pas moins votre Héritage.
Javion ouvrit la bouche.
La referma. L’archiviste avait raison.
- Comment est la véritable histoire, demanda le Forgelance avec une pointe d’amusement et un soupçon d’avidité.
Javion sourit, et sourit même franchement, ce qui n’était pas coutume.
- Pas mal. Pas mal du tout.
- J’ai hâte de la voir rejoindre ce rayonnage, dans ce cas.
- Mh, peut-être un jour. Alors comme ça, Dans l’Ombre de son sang est encore lu...
- Oh oui, comme tous ces ouvrages. Mais il est certain que votre fondatrice n’a pas à rougir de sa place. Je ne peux m’empêcher de penser qu’en son temps et en d’autres circonstances, elle aurait fait une fantastique Forgelance. Mais chacun est destiné à une voie vers l’immortalité, et elle a choisi la sienne avec panache et brio.
- Vous vous trompez, elle n’était pas destiné à suivre cette voie. Elle a créé sa propre voie à mains nues, de sa seule volonté. Comme une Iop, acheva-t-il en appuyant sur le dernier mot.
- Est-ce si différent, souffla Hyurianger. Enfin, tout ceci est très intéressant, mais je vais devoir  vous rendre à Fulgurdr. Poser les yeux sur cet endroit sans être des nôtres est déjà un rare privilège ! Allons-y.
Ils remontèrent à la surface par l’interminable escalier, et Javion quitta la bibliothèque en remerciant Hyurianger. Avant de refermer la porte cependant, il se tourna une dernière fois vers l’archiviste et dit :
- Vous vous êtes encore trompé à propos de Nedora, elle n’a pas connu l’immortalité. Elle saignait comme vous et moi, et l’histoire l’a oubliée. Si elle était encore là, le monde ne serait pas dans tout ce fichu bordel.
Hyurianger sourit :
- Vous êtes là, vous vivez par ses préceptes, et vous remettez de l’ordre là où vous le pouvez. Son Héritage perdure et pour nous, Forgelances, c’est ça, l’immortalité.
Javion fronça les sourcils, salua l’archiviste et tourna les talons. Le Forgelance lui avait donné matière à ruminer pour les jours à venir.
Et il n’était pas sûr de s’en réjouir...
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MessageSujet: Re: Javion - Entre Foi et Doute [Essai RP sur le changement de classe]   Javion - Entre Foi et Doute [Essai RP sur le changement de classe] EmptyJeu 17 Aoû 2023 - 7:54

Javion - Entre Foi et Doute [Essai RP sur le changement de classe] C1tt

Cauchemar


La porte de la grange s’ouvre et se referme en claquant violemment, sortant le Iop de son sommeil en sursaut. C’est une nuit totale, mais pas silencieuse.
Au contraire.
Un mugissement constant envahit l’air, fait trembler les murs. Au sol, les brins de paille glissent sur le plancher vibrant, malmenés par des courants d’air anormaux.
Un orage. Rien d’alarmant. Javion s’apprête à se rendormir, quand un grondement éclate, puis un choc terrible tout proche, et enfin le crépitement d’un feu naissant.
Accompagné par les bêlements affolés de ses Bouftous.
Javion panique alors que le rugissement des flammes et celui du vent s’intensifient. Il se jette hors de sa couche mais ses jambes, encore endormies, ne le portent pas. Il s’écrase sur le plancher et rampe sur ses coudes jusqu’à la porte. Il s’accroche à la poignée et tire pour l’ouvrir à la volée.
La porte ne bouge pas.
Elle n’est pourtant pas verrouillée, elle n’a pas de verrou. Javion tire de toutes ses forces, mais la porte demeure fermée. Dehors, perçant le hurlement de la tempête et les bêlements des Bouftous se font plus hystériques. Javion, en proie à une panique grandissante, tire et tire encore sur la poignée mais sans résultat. Comme si...

Où est passée ta force ?

Une voix. Profonde comme l’abysse. Tonnant comme la tempête.
Familière.
Et pourtant étrangère.
Javion lâche la porte et rampe jusqu’au petit autel de fortune aménagé contre un mur. La croix de Iop est clouée au dessus d’une table sur laquelle repose une épée et un miroir.
Le coeur de Javion manque un battement.
Qui se trouve dans son reflet ?
Ses doigts tremblants touchent ses joues, le bout de ses oreilles étrangement arrondies. Glissent jusqu’à ce nez trop marqué au milieu de son visage. Pire, dans son regard habituellement blanc comme une page vierge, deux disques colorés, deux pupilles bien visibles trahissent sa peur. Sa peur ?

Où est passée ta foi ?

La croix de Iop au-dessus de l’autel tombe. Brise le miroir. Se fissure elle-même. Du sang s’écoule de la cassure. Javion essaie de la ramasser, mais ses mains ne parviennent pas à soulever les débris.
Soudain, dans un formidable déchaînement de violence, la tempête arrache le toit de la grange ! Les cloisons de bois grincent d’horribles plaintes avant de se faire happer à leur tour par le vent furieux.
Dehors, la nuit est écarlate. Le paysage est avalé par une terrible tornade sanglante. Et à la lisière du cyclone, bouchant l’horizon, se tient une ombre titanesque, plus massive qu’une montagne, une colossale silhouette rappelant à Javion les entités maléfiques des mythes noirs sufokiens.
Mais ce n’est pas une entité abyssale.
C’est le Dieu Iop.
Son regard de feu fixe Javion sans le voir. Sa voix retentit à nouveau. Il lui parle mais Javion ne le comprend pas.
Finalement, le titan divin tourne le dos. Il disparaît derrière la tempête qui s’intensifie. Le monde entier n’est plus qu’un tourbillon écarlate qui emporte tout. Le paysage infernal se disloque en monceaux de terre géants, emportés par le vent comme des graines de pissenlit.
Et l’inéluctable se produit. La tempête l’emporte lui aussi, le balaie, le secoue comme un fétu de paille. L’écartèle jusqu’à...

Javion se réveilla en suffoquant, trempé de sueur. La nuit était silencieuse. Il se jeta hors de sa couche et se précipita devant son miroir, qui ne lui rendit qu’un habituel regard blanc inexpressif. Il fallut un moment au Iop avant qu’il ne respire normalement et que son cœur retrouve un rythme raisonnable.
Il avait quitté Albuera une semaine plus tôt et était rentré à Astrub. Depuis, il faisait ce même cauchemar presque toutes les nuits. Une semaine qu’il dormait à peine, et ressortait de ses rares moments de torpeur transi, secoué au corps et à l’âme. Cet horrible cauchemar. Le mercenaire ouvrit la porte de la grange qui ne résista pas et sortit dans la nuit. Elle était fraîche et silencieuse, à peine accompagnée du bruissement nocturne de quelques insectes. Le disciple de Iop marcha jusqu’au puits et se passa de l’eau sur le visage. Il prit le temps de détailler son torse nu baigné dans la lumière laiteuse de la lune. Sa musculature dessinait son imposante silhouette et ses muscles roulaient sous sa peau. Il soupira de soulagement.
- Foutu cauchemar...
Une semaine qu’il se voyait faible et rejeté par son dieu. Une semaine que ses doutes l’accablaient de la plus cruelle manière et qu’il se réveillait sans être sûr de la frontière entre le rêve et la réalité. Entre le rêve et la vérité.
- Je dois faire quelque chose.
Le mercenaire se dirigea pieds nus vers la carrière d’Astrub à proximité, sans prendre la peine de s’habiller. Il était rentré sur le continent pour préparer une expédition mercenaire dans le domaine des Fungus. Une exploration de plusieurs jours en compagnie de ses frères et soeurs de clan, ainsi que de volontaires extérieurs triés sur le volet. Et le départ était prévu pour dans quelques jours. Il ne pouvait pas risquer de se réveiller de ce cauchemar en leur présence ! C’était tout bonnement inenvisageable.

Au cœur de la nuit, sous le regard mélancolique de la lune, un mercenaire à moitié nu frappait la roche à grands coups de poings, pulvérisant des pans entiers d’excavation minière. Il avait décidé que cette pierre grise représentait son cauchemar et, quand le matin se leva et que les premiers travailleurs atteignirent la carrière, il ne purent que constater qu’une partie de leur travail avait disparu, réduite en un amas de poussière
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MessageSujet: Re: Javion - Entre Foi et Doute [Essai RP sur le changement de classe]   Javion - Entre Foi et Doute [Essai RP sur le changement de classe] EmptyJeu 17 Aoû 2023 - 8:04

Dispute et exil


- Tu penses vraiment que je suis aveugle ? Pourquoi tu ne me dis pas ce qu’il t’arrive ? Tu viens de te faire battre à plate couture par Latioss et tu pars sans tes affaires, ça ne te ressemble pas !
Javion répondit par un grognement agacé.
L’expédition du domaine des Fungus s’était achevée la veille. Deux longs mois de travail, d’exploration, d’études et de survie dans des souterrains aussi retors que majestueux. Deux mois pendant lesquels Javion n’avait presque pas dormi. Il sentait son cauchemar à l’affût, rôdant à la frontière de son éveil. Il savait qu’en fermant les yeux, la tempête écarlate l’engloutirait à nouveau. Il tenait grâce à la formidable constitution physique octroyée à ceux de son culte, mais même ce don de Iop ne suffisait pas à effacer les cernes qui soulignaient ses yeux dignes de ceux d’un Pandawa, ni sa réactivité diminuée ou son humeur plus renfrognée encore que de coutume. Pire, il se sentait essoufflé et ce détail là n’échappait pas à Latioss, son confrère Iop. Mais Latioss avait le bon goût de ne pas poser de questions, contrairement à la jeune disciple de Crâ aux longs cheveux blonds et à l’accoutrement turquoise plantée devant lui, poings sur les hanches.
Leiilou, son apprentie. Leur relation de mentor à élève les amenait à passer beaucoup de temps ensemble et Javion, qui avait pour habitude d’être un roc indéchiffrable pour les autres, ne pouvait plus duper la jeune mercenaire, déjà perspicace par nature. Perspicace et têtue. Très têtue !
Presque autant que lui.
Elle le harcelait depuis leur retour d’exploration pour savoir ce qui ne tournait pas rond chez lui, mais Javion demeurait résolument muet à ce sujet. La fatigue jouant, sa patience aussi s’en trouvait amoindrie, et l’insistance de sa consœur commençait à l’agacer plus que de coutume.
L’inévitable arriva.
Mentor et apprentie se disputèrent. Une dispute cruelle et injuste. Des mots durs et faux. Des gestes regrettables. Instantanément regrettés. Maintenus par fierté mal placée. Et un peu de honte, aussi.
Javion quitta Astrub. Sans son uniforme de mercenaire, sans ses Bouftous, et les cheveux coupés, symbole de lourde défaite pour un disciple de Iop.
Javion n’avait jamais autant souffert en lui-même. Cette chose inconnue qui le rongeait s’emparait de tout. Son sommeil, sa foi, sa force, ses frères et soeurs qui ne comprenaient rien...
Il avait besoin de réfléchir. De comprendre. Et il savait où aller.

Le bateau accosta au port d’Albuera sans encombre. Retrouver l’air froid et l’odeur caractéristique de la colonie le rassérénait. Le mercenaire se promena entre les chalets, appuyé sur le bâton de marche que lui avait offert le docteur de cette île. En effet, l’épuisement l’affaiblissait au point de réveiller les vieilles blessures de son naufrage. Le naufrage. Les Forgelances. Tout ça lui paraissait si loin. Il s’arrêta devant le chalet du médecin, dans lequel Vernus devait sans doute encore se trouver. Le vieux capitaine avait du mal à récupérer de ses blessures et Javion s’en était voulu de partir en expédition avant qu’il ne soit sur pieds, mais le vieux marin avait insisté pour qu’il parte.
Malgré l’envie de lui rendre visite pour s’assurer de son état, le mercenaire décida de laisser son vieux camarade se reposer et traîna sa carcasse jusqu’à l’hydromiellerie, toujours animée à cette heure. Un peu de boisson ne lui ferait pas de mal.
Il se trouva une place au comptoir et commanda une chope d’hydromiel, la seule bonne chose servie ici. Le brouhaha des conversations et la proximité de la foule lui donnaient la sensation réconfortante de se fondre dans une masse dans laquelle il pouvait se faire oublier, et il s’en réjouissait. Un répit mérité.
Mais de courte durée, hélas.
Alors qu’il portait sa chope aux lèvres, une claque de brute assénée dans son dos manqua de l’étouffer.
- Encore toi ?! Haha, te voilà vite revenu, tonna la voix goguenarde de Fulgurdr qui s’installa à côté de Javion, dos au comptoir. Tu t’es rendu compte qu’on était biens meilleurs guerriers ici que dans tes temples ? Haha !
- Oui.
- Me fais pas rire ! Tu vas bien devoir l’avouer à la... Attends quoi ?
Le Forgelance pivota sur son tabouret pour faire face à Javion, ébahi. Le mercenaire était aussi tourné vers lui, l’air très sérieux.
- Quelqu’un a empoisonné ton hydromiel, hasarda le Forgelance à la crête flamboyante.
- Marchons.
Un simple mot. Pas un ordre, mais une évidence. Une simple vérité énoncée à laquelle on ne pouvait déroger, car c’était ainsi. Fulgurdr avait déjà remarqué cette façon qu’avait le Iop de s’exprimer. Même lui, effronté qu’il était, ne se sentait pas de défier ces vérités-là.
- Très bien, je te suis.
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MessageSujet: Re: Javion - Entre Foi et Doute [Essai RP sur le changement de classe]   Javion - Entre Foi et Doute [Essai RP sur le changement de classe] EmptyJeu 17 Aoû 2023 - 8:21

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Confessions



Dans les montagnes albueranes, les silhouettes noires des pins se découpaient à la lumière de l’astre lunaire. Son disque laiteux, immense, embrassait presque tout l’horizon. La nuit observait de son regard cyclopéen les deux silhouettes assises côte à côte au bord d’une corniche, dans les hauteurs de l’ancienne Albuera.
- Eh ben mon gros, je pensais pas qu’une si petite cervelle pouvait faire autant de dégâts, souffla Fulgurdr.
Javion lui avait tout raconté. Ses doutes, ses questionnements, sa peur, ses cauchemars, ses confrontations avec ses proches,.. Pour une fois, le Forgelance avait écouté sans faire la moindre remarque.
- Mh. Tu sais tout.
- Pas tout. Je ne sais pas ce que tu viens faire ici maintenant. Tu devrais pas être retourné au temple de ton dieu pour implorer son pardon ou que sais-je ?
Le mercenaire poussa un long soupir.
- Je n’en sais rien. Iop n’est pas du genre miséricordieux. Mon dieu ne pardonne pas aisément, encore moins la trahison. Ou la faiblesse.
- Parce que t’aimes Nedora Riem plus que lui, c’est ça ?
- Mhmh. Je ne lui suis plus fidèle.
Fulgurdr éclata d’un rire moqueur dont l’écho ricocha dans la nuit.
- T’es encore plus noc que ce que je croyais, finalement ! Moi qui pensais que les disciples de Iop avaient au moins pour qualité l’honnêteté, j’me suis trompé.
- Qu’est-ce que tu racontes encore ?
- Pourquoi ton dieu te reprocherait d’admirer un autre de ses disciples ? Ça n’a aucun sens. Et surtout, si c’était vraiment ça le problème, encore une fois, tu te serais pas donné du mal à venir jusqu’ici. Ce que t’appelles ta trahison est ailleurs, c’est évident. Alors arrête de me mentir, de te mentir, cesse de m’faire perdre mon temps à me geler les fesses ici et lâche enfin c’que t’as là.
Il lui flanqua une claque de Taure sur la poitrine. Javion n’y résista pas et laissa l’élan le renverser. Étendu sur le dos, il fixait les étoiles, les yeux perdus dans le vague.
- T’as raison, soupira-t-il finalement. Ca n’a rien à voir avec Nedora Riem. La vérité, c’est que... Oh, c’est si long à expliquer.
- T’en fais pas, prends ton temps. On a encore environ trois heures devant nous avant que la nuit ne nous congèle définitivement.
- Le froid ne me dérange pas. Avant de rejoindre mon clan, je vivais seul dans une île gelée. En ermite dans des cavernes de glace.  Je vivais comme un animal, honnêtement, j’avais perdu la plupart de mes contacts avec la civilisation. Les mercenaires m’ont trouvé, ils m’ont ramené sur le continent, ils m’ont donné un toit et un travail. Ils m’ont aidé à retrouver la civilisation, et ils m’acceptent encore avec mes limites. Bref, le clan est devenu la famille que je n’espérais plus avoir. Vraiment, je leur dois la vie, mais...
La suite peinait à s’échapper de ses lèvres. Il avait l’impression de trahir les siens et Fulgurdr, qui ressentait sa tourmente, ne le pressa pas cette fois. Enfin les mots se frayèrent un chemin hors de son cœur. Maladroitement.
- Je damnerai mon âme pour mes frères et mes soeurs de clan, et je suis immensément fier d’eux. Mais vivre à Astrub, vivre parmi les hommes, c’est encore aujourd’hui un effort intense pour moi. Trop de règles, trop de secrets, trop de paroles, trop d’émotions compliquées. Mais ici, parmi les Albuerans, et parmi vous, les Forgelances, j’ai trouvé des gens qui vivent comme moi. Un travail rude et honnête, quelques rasades et accolades avant de chacun retrouver sa tranquille solitude, des valeurs vertueuses mais simples et sans subtilités fumeuses,.. et malgré tout avec la force et la loyauté d’une communauté soudée. Je dois l’admettre, ici, je n’ai pas à me forcer pour être moi, et pour les quelques temps qu’a duré ma convalescence ici, ça m’a fait du bien. Et parfois, dans mes moments d’errance, je me prends à m’imaginer la vie si j’étais... si.. Enfin, si je devenais...
- Oui ?
- Si j’étais un...
- ... un ? Un quoi ?
- Tu sais bien, comme..
- Moi ? Dis-le, mon gros, je veux t’entendre le dire !
Fulgurdr était à présent penché vers Javion, un grand sourire moqueur barrant sa vilaine face.
- Oh, ferme-la, ragea Javion en le repoussant. Il le rattrapa en panique, ayant manqué de l’envoyer valser dans le vide.
- Ok, ok Grolours enragé, me tue pas, je rigolais. Tu voudrais être un Forgelance ? Qui suis-je pour te blâmer ? J’ai fait le même choix. Mais je ne comprends pas ce qui t’en empêche, ni pourquoi ça te fait faire des cauchemars glauques.
- Parce que je trahis mon dieu. Et je le ressens, tu sais. Je sens mes pouvoirs s’estomper chaque fois que j’y songe. C’est un choix affreux.
Cette fois, le rire que Fulgurdr laissa éclata fit s’envoler les oiseaux des pins dans lesquels ils dormaient, et les larmes lui montèrent aux yeux.
- Oh, fiente de Trool, ça me fait de la peine que tu te mettes dans de tels états pour ça...
- Je peux encore te balancer en bas de la falaise...
- Non, je veux dire, c’est terrible que ce choix te fasse tant de mal et te traumatise depuis tout ce temps... alors qu’il n’y a aucun choix à faire !
- Quoi.. ?
- Tu penses que tu dois choisir entre Iop et les Forgelances ? T’as jamais eu à choisir entre Iop et ton clan, alors pourquoi tu le ferais avec nous ? Tu crois qu’Ilyzaelle a arrêté d’être la championne de Jiva  quand elle a endossé le rôle de Chevalier du Ciel ? Pourquoi tu devrais abandonner ton dieu pour devenir un Forgelance ?
- Mais... Je l’ai lu, on en a parlé des tas de fois. Vous ne croyez pas en les Douze ! Vous n’avez pas foi en leur force.
- Et pour autant, on va pas cracher sur quelqu’un qui y croit. Tu nous as pris pour la Fratrie ? On n’est pas des monstres ! Chacun sa vie et ses convictions. En tant que Forgelances, on estime que les Dieux ne suffisent pas à protéger notre monde, alors on décide de prendre les choses en main, nous aussi. Mais on n’a rien contre le fait de croire en leurs préceptes, en leurs vertus.
Javion paraissait confus, dubitatif. Perturbé. Toutes ces nuits sans sommeil pour... rien ? Fulgurdr était-il en train de lui mentir pour le tranquilliser ? Le Forgelance lisait son trouble sur son visage pour une fois expressif.
- Oh, et tu sais quoi ? J’ai pas signé pour être chasseur de sagas ou guide moi, viens avec moi !
- ... Quoi ? Où ?
- On va parler à quelqu’un qui le fait mieux que moi, et que tu croiras, balourd. En route !

Et les deux compères reprirent leur ascension au coeur de la nuit, jusqu’à ce que les chaudes lumières orangées du temple des Forgelances n’éclairent leur chemin. Il s’y engouffrèrent et Fulgurdr poussa un immense soupir d’aise en sentant la chaleur de l’endroit désengourdir ses membres.
- Allez, suis-moi, fit-il en ignorant les regards qui s’étaient posés sur eux.
Il n’y avait pas beaucoup de Forgelances éveillés à cette heure, aussi n’eurent-ils aucun mal à trouver la personne que Fulgurdr cherchait.
- Nascherite !
La vénérable Nimbos aidait un jeune Forgelance à nettoyer et ranger les lances d’emprunt dans la salle d’entraînement. Elle tourna vers eux sa tête dont seul le nez rond proéminent dépassait de ses immenses nattes blanches.
- Fulgurdr ? Et Javion ? Quelle surprise. Je ne m’attendais pas à ce genre de nimprévu.
- Oui oui super, coupa court le Forgelance à crête rouge. Dis-moi, combien de divinités tu vénères déjà ?
- Oh, euh... Eh bien, je voue mes prières aux sept dieux Nimbos, qui...
- Merci ! Voilà, mystère résolu, tes tourments prennent fin, de rien ça m’a fait plaisir, allez bonne nuit.
Fulgurdr accompagna sa tirade d’une claque dans le dos du disciple de Iop et s’en alla vers la grande salle sans demander son reste. Javion allait le suivre, mais un raclement de gorge le stoppa net. La Nimbos qui lui arrivait à peine au genou poussa un coffre de rangement vers lui comme s’il s’agissait d’une plume.
- Ninstalle-toi, dit-elle. Je sens dans mon cœur que tu n’as pas entièrement vidé le tiens.
- Comment savez-vous que...
- Je ne suis pas née du dernier déluge, mon grand ! Le conflit qui luit dans ton regard, je l’ai vu une quantité nindénombrable de fois dans les yeux de jeunes pèlerins avant toi. Je sais très bien pourquoi tu es là.
Le mercenaire posa son bâton contre un mur et s’assit sur le coffre. Même comme ça, il faisait deux fois sa taille, et pourtant il se sentait petit face à elle. Écrasé.
- J’ai cru comprendre, aux dires de ce nimpoli de Fulgurdr, que vous aviez élucidé ensemble certaines craintes, je me trompe ? Sacré bonhomme. Il t’aime bien, tu sais. Je l’ai rarement vu prendre de son temps pour quelqu’un d’autre que lui-même auparavant.
- Mh.
Nascherite hocha la tête.
- Je vois ce que tu veux dire par là. Mais tu ne lui as pas tout dit, j’ai raison ?
- Mh.
- Ah, je vois. Tu sais maintenant que tu peux concilier notre ordre et ta religion. Mais le fond du problème n’est pas vraiment là, n’est-ce pas ?
- Mh... Tu es forte, porteuse de Mani.
- Je suis une Nimbos, sourit-elle. Déchiffrer les grognements des grincheux est une seconde nature chez nous. Une deuxième langue, presque !
- Bon... Si le fait d’être un Forgelance et ma foi en Iop ne sont pas incompatibles, comment se fait-il que je sente les pouvoirs de mon dieu diminuer au fond de moi ? Pourquoi est-ce que je perds ses dons s’il n’a rien contre ça ?
- En effet, pourquoi ?
Javion passa une main dans sa barbe, son regard blanc perdu dans le vide.
- Est-ce que... Ma foi s’est égarée avant tout ça ?
- À toi de me le dire. À qui confierais-tu ta vie ?
- Personne d’autre que moi-même.
- Qui espères-tu rejoindre quand elle s’achèvera ?
- ...
- Comment dois-je t’appeler ? Javion le disciple de Iop ? Javion le mercenaire ?
- Qu’est-ce que tu essaies de dire, Nascherite ?
- Je n’essaie rien du tout, je ne peux pas le faire pour toi. Mais mes questions t’ont déjà donné la réponse. Tu n’as qu’à la prononcer pour la comprendre.
Le coeur du Iop battait la chamade. Un voile se déchirait dans son esprit, et la déchirure était douloureuse. La vérité était douloureuse.
- Mon maître m’a enseigné l’art de survivre, coûte que coûte. J’ai toujours compté sur ses enseignements et sur mes capacités pour me tailler un chemin dans ma vie. Depuis des années, c’est en mes capacités que j’ai foi, plus que celles de Iop. Et puis récemment, j’ai retrouvé la foi en quelqu’un d’autre. La voilà, la vérité. Nedora Riem a comblé une place qui s’était déjà vidée sans que je le sache. Fulgurdr l’a dit tout à l’heure, mais je n’avais pas compris. J’ai foi en les préceptes et les vertus de mon dieu, mais je n’attends pas de lui qu’il me sauve, ni rien du tout, et ce depuis longtemps. Je compte sur moi-même pour ça. Et ses préceptes, je crois bien que je les ai mêlés à ceux de Nedora. Elle est le modèle que je suis depuis maintenant une décennie. J’ai foi en une mortelle faite de la même chair et de la même force que moi, et qui a vécu et périt comme je souhaite vivre et périr. La vérité elle est là. Il y aura toujours le sang d’un Iop en moi, à jamais. Mais c’est celui de ma fondatrice. C’est... c’est la vérité.
Il se tut.
Jamais il n’avait parlé comme il venait de parler.
Jamais plus il ne le ferait.
Jamais il n’avait pleuré comme il était en train de pleurer.
Jamais plus il ne s’en empêcherait.

- Merci. Infiniment
- Je t’en prie, Javion de Nedora Riem. Va, va et trouve enfin le repos. Reviens demain.
Le mercenaire sourit à la Nimbos, ce qui représentait pour lui une des rares marques de reconnaissance dont il était capable. Il prit congé mais s’interrompit.
- Je n’avais pas laissé mon bâton ici ?
- Ton bâton ?
- Mon bâton de marche, oui. Il me semblait l’avoir posé ici, contre le mur.
- Bonne question. Tu n’es pas entré avec en tout cas, répondit Nascherite. Tu l’as oublié quelque part ?
- Peut-être, soupira Javion. C’est une soirée déboussolante. J’irai voir demain dans les montagnes.
- D’accord, mais passe ici avant ! Nous devons encore parler, toi et moi.
- Mh. Nedora te garde, Nascherite.
- Qu’elle en fasse autant pour toi, mercenaire.

Javion quitta le temple pour regagner la colonie d’Albuera. En passant, il nota que deux forgerons étaient à l’ouvrage sur l’enclume à ciel ouvert du temple. Ils s’arrêtèrent à son passage et le saluèrent silencieusement. Le mercenaire leur rendit leur salut en se demandant pourquoi ils travaillaient si tard. Il ne réentendit le tintement de leurs marteaux qu’une fois qu’il fut au pied de la montagne. En levant la tête, il pouvait même apercevoir, à travers l’ombre des pins, le rougeoiement régulier des étincelles jaillissant du fer battant le fer.

Cette nuit-là, il s’endormit en un clin d’oeil.
La tempête écarlate qui le hantait depuis des semaines ne se montra pas.
Calme plat. Repos.
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MessageSujet: Re: Javion - Entre Foi et Doute [Essai RP sur le changement de classe]   Javion - Entre Foi et Doute [Essai RP sur le changement de classe] EmptyJeu 17 Aoû 2023 - 8:36

Par l'Héritage qui nous lie



- Oh, vertubleu de face de.. !
Javion sauta de son lit et se prit une poutre en plein front à son réveil. Le soleil était bien trop haut dans le ciel, il avait trop dormi ! Cette nouvelle aurait dû le réjouir mais il avait rendez-vous avec Nascherite. La Nimbos avait beau avoir l’air sage et amicale, il avait fréquenté suffisamment de Martegel pour savoir que l’intransigeance était gravée dans les gènes de son espèce.
Il quitta le chalet inhabité qu’on lui avait laissé emprunter pour la nuit et se lança dans une course à grandes foulées jusqu’au temple. Combien de fois allait-il devoir escalader cette fichue montagne ?!  Il fut cependant satisfait de constater qu’il n’était pas tant essoufflé que ça au terme de l’ascension. Sa constitution de Iop, au moins, ne l’avait pas encore abandonné. Il ouvrit les portes du temple...
... Et renonça à la discrétion. Une masse considérable était rassemblée dans le grand hall du temple et toutes les têtes se tournèrent vers lui. Les conversations s’estompèrent, il y eut un mouvement de foule et, très vite l’attroupement ce scinda en deux, laissant libre une longue allée entre l’entrée du temple et l’arche menant au fond de celui-ci. Le premier réflexe de Javion fut de se mêler à la foule, mais les Forgelances ne le laissèrent pas faire.
Qu’est-ce que c’est que ce foutoir, pensa-t-il. Ce n’était pas un hasard, il était bel et bien le centre de l’attention. Qu’avait donc manigancé la Nimbos pour le punir de son retard ?
Il avança dans l’allée en lançant de regards de défi aux Forgelances. Il dépassait la plupart d’une tête, mais aucun ne semblait se laisser intimider. Le mercenaire passa sous l’arche et gagna la salle dans laquelle était érigée une impressionnante statue de la Lance Originelle. Au pied celle-ci se tenait un vieux Forgelance au crâne chauve marqué de cicatrices, vêtu d’une toge sobre et élimée. Il était flanqué de part et d’autre par Lenicar et Nascherite, qui avait sorti Mani, sa lance en forme de marteau, et la tenait droite à son côté.
- Avance jusqu’à moi, tonna le chauve d’une voix plus forte que son apparence ne le laissait penser.
Javion s’exécuta, toujours sur la défensive. Quand il fut assez près, le chauve reprit la parole, toujours aussi fort :
- Javion,  mercenaire du clan Nedora Riem, disciple de Iop, pourfendeur de la Sorcière aux Araknes, maître d’armes de la maison Fendbrume, élève d’Halojen de Fendbrume, tu as fait savoir ton désir de rejoindre l’Ordre des Forgelances. Confirmes-tu ce désir ?
- Je... Oui, oui, c’est vrai. Je le... confirme ?
- Tant mieux, la situation aurait été vraiment gênante autrement.
Quelques rires ricochèrent dans le temple. Javion ne s’en trouva pas plus détendu pour autant.
- L’Ordre des Forgelances est ouvert à ceux qui en font la demande, à condition... d’en être à la hauteur.
Ce que Javion devinait être un sage ou un prêtre laissa un silence s’installer, silence durant lequel il darda sur lui un intense regard de jugement, comme s’il lisait directement chaque instant de sa vie dans le blanc de ses yeux. Javion trouvait cette sensation hautement désagréable, mais il soutint son regard sans broncher. Il n’était peut-être pas à l’aise avec la situation, mais s’il était au moins bon à une chose, c’était bien celle de prétendre être aussi ému qu’une pierre.
- J’ai interrogé les membres de notre communauté. Ce qu’ils avaient vu de toi, entendu de toi, vécu avec toi. Durant ta convalescence en notre compagnie, tu as échangé avec nous. Chassé avec nous. Appris de nous. Ri et bu avec nous. J’ai discerné dans ces témoignages la camaraderie, l’intérêt, le respect, et l’affinité que tu portes envers les Forgelances, mais aussi que les Forgelances ont fini par te porter eux-même. Je ne suis juge que par la voix, mais ma confiance en mes confrères est sans appel.
Lenicar, à sa gauche, fit un signe discret de la main. Javion reconnut les deux forgerons qu’il avait vu la nuit passée s’approcher. Il tenaient tous les deux... son bâton de marche ! Alors qu’il hésitait entre colère et confusion, les forgerons tendirent le bâton au Forgelance dégarni avec une certaine grâce. Le vieil homme s’en empara avec assurance et le tendit au-dessus de sa tête.
- Javion de Fendbrume. Javion de Nedora Riem. Aujourd’hui, et au nom de notre ordre, je te fais... Javion des Forgelances ! Puisses-tu toujours honorer le Serment des Sept, signer l’Histoire de ton nom à tout jamais, qu’il survive à ton corps pour l’éternité, au mépris de la mort !
Il baissa le bâton de marche de Javion et lui tendit. Quand le mercenaire l’empoigna, une formidable énergie qu’il n’avait jamais ressentie paralysa son bras ! La vague le percuta comme le foudroiement d’un éclair, avant de refluer vers le bâton, qui se mit à gémir comme gémit le bois vert soumis à la morsure du feu. Dans ses grincement aigus, le bois se tordit, se déforma, se métamorphosa... Bouche bée, Javion tenait à présent dans la main une impressionnante lance de bois gravée de runes, crépitante d’une énergie bleutée. Il la souleva au-dessus de sa tête, et le temple fut envahi par la clameur furieuse des rugissements et des applaudissement des Forgelances. Un grondement auquel répondit celui du tonnerre à l’extérieur, comme si le ciel lui-même fêtait l’adoubement du mercenaire. Le Forgelance chauve leva les mains et le brouhaha décrut sans parvenir à tout à fait s’éteindre.
- Il est coutume, reprit le vieux Forgelance, que nous donnions un nom à notre lance. Cette arme que tu brandis a été forgée, d’après les mots de l’un d’entre nous, dans un bâton auquel tu tiens. Nous espérons que tu chériras cette lance avec autant de force. Qu’elle soit ta compagne éternelle, celle qui t’accompagne dans chacun de tes exploits, qu’elle soit le stylet qui signera ta gloire. Ainsi comprends-tu l’importance de lui donner un nom, car celui-ci t’accompagnera toujours dans les légendes à ton propos. Si tu manques d’inspiration cependant, nos façonneurs ont toujours une idée du nom qui irait à leur ouvrage...
Les deux forgerons s’approchèrent à nouveau et l’un d’eux s’exprima :
- Nous avons tenu à forger une lance qui te convienne et te ressemble. On s’est renseignés sur toi, et... Nous avons pensé à un nom. Fléägg. Ça signifie “Fléau de Raine Hegga”.
Javion écarquilla les yeux. Il contempla sa lance de bois, dont il savait intimement que malgré l’apparence, elle était aussi dure que le métal. Il apprécia le talent qui avait été mis dans sa réalisation, le soin appliqué dans ses ornements et les gravures en runes nimbos -un ajout de Nascherite, peut-être ?- et remercia les forgerons en s’inclinant bien bas.
- Vous avez créé un chef-d’œuvre et je ferai en sorte de faire honneur à votre talent. Le nom que vous avez choisi me touche plus que vous ne pensez, mais... J’ai un autre nom en tête.
- En ce cas, je t’en prie, répondit le Forgelance à la toge, baptise-la.
Javion tourna légèrement la tête vers la foule de Forgelances.
Il l’avait repéré depuis un moment. Caché derrière les épaules de ses confrères, trahi par sa crête de cheveux rouge feu.
- Je la nommerai...
Leurs regards se croisèrent. Une seconde. Une éternité.
- Fulgur.


Javion se réveilla à l’aube, comme à son habitude. Il s’étira après une bonne nuit d’un sommeil réparateur et alluma les bougies qui éclairaient le grenier à grains qui lui servait de foyer. Il s’aspergea le visage d’eau et se regarda dans le petit miroir accroché à un clou.
Des mois étaient passés depuis qu’il avait rejoint les Forgelances. Après des célébrations qu’il avait lui-même écourté en s’éclipsant, il avait regagné Astrub et reprit sa vie comme si rien ne s’était passé. Les changements étaient notables, pourtant.
Il avait gardé la barbe qui avait poussé pendant sa convalescence. Taillée, elle lui mangeait le menton et suivait la ligne de sa mâchoire, grignotait une partie des joues, sans s’étirer davantage. Il changeait. Son corps subissait peu à peu des transformations discrètes mais de plus en plus présentes. Une bosse commençait à poindre sous ses yeux, au milieu du visage, et dans ses yeux auparavant parfaitement blanc, il pouvait désormais clairement discerner l’anneau fin et grisâtre qui marquait le contour de ses iris. Avec ses yeux pas tout à fait dessinés et son nez en train de pousser, il avait l’air encore plus étrange et effrayant que de coutume, mais il n’en était pas dérangé. Les gens l’évitaient encore plus et ça lui allait très bien. C’était là les conséquences de ses choix. Du choix de ranger le dieu Iop dans une part de sa vie qu’il chérissait, mais qui appartenait au passé. Sans sa dévotion, le corps perdait peu à peu les attributs de son dieu. C’était ainsi. A présent que le doute s’était effacé et que ça décision était prise, il ne regrettait rien.
Oh, il s’en était trouvé diminué au départ, mais pas bien longtemps. Ces changements lui avaient permis de comprendre d’où venait sa véritable force, et les pouvoirs conférés par la Lance Originelle compensaient la magie accordée par sa foi.
Javion jeta un œil à son bâton de marche, posé contre un des murs de la grange.
- Viens par là toi, on a du travail.
Il tendit le bras vers le bâton, paume ouverte. D’abord, il ne se passa rien, et il eut l’air un peu ridicule. Puis le bâton vibra, une aura statique crépita entre les doigts du Forgelance et, comme attiré par un aimant, le bâton traversa la pièce en vrombissant pour se loger avec une certaine brutalité dans le poing de Javion, qui hocha la tête pour lui-même, l’air satisfait.
Il quitta la grange, inspira une profonde bouffée de l’air matinal, et ficha son clint de mercenaire sur sa tête.
- Une bonne journée qui s’annonce, Fulgur. Au travail.
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